3.1.05
Moscou correspondance
Finalement, c'est le tracé vers le Japon qui l'a emporté. En approuvant, vendredi 31 décembre, le projet d'oléoduc entre Taichet (région d'Irkoutsk) et la baie de Perevoznaia (port de Nakhodka, en face du Japon), la Russie a mis fin aux espérances de la Chine, qui depuis longtemps soutenait une autre voie, celle reliant la Sibérie orientale (Angarsk) à la Mandchourie chinoise (Daqing). Ni les précédentes déclarations publiques ni la visite en Chine du président russe, Vladimir Poutine, au début du mois de décembre n'auront pesé dans la balance.
Le choix a pourtant de quoi étonner : depuis 2002, la Chine a pris la place du Japon comme deuxième consommateur mondial de pétrole derrière les Etats-Unis, et ses importations ont augmenté de 73 % en 2003. Plus court (2 400 kilomètres), le projet chinois serait aussi nettement moins cher que celui du Japon, estimé entre 11 milliards et 16 milliards de dollars. Mais "en construisant un pipeline vers la Chine, la Russie aurait pris le risque de n'avoir qu'un seul client, qui aurait pu alors dicter toutes ses conditions, explique Maria Radina, analyste à la compagnie d'investissement Finam. Au contraire, avec le tracé vers le port de Nakhodka, la Russie peut atteindre plusieurs consommateurs. En revanche, il semble que la ramification prévue vers la Chine ait disparu."Le tracé japonais permettrait de desservir la Corée du Sud, voire les Etats-Unis.
Selon le document signé vendredi par le premier ministre russe, Mikhaïl Fradkov, le projet affiche une capacité de 80 millions de tonnes. Il s'étalera sur près de 4 130 km, qui s'ajouteront aux quelque 45 000 km d'oléoduc, souvent en mauvais état, que compte déjà la Russie.
FORTEMENT DÉPENDANTE
En s'octroyant une quatrième voie d'évacuation de son pétrole, après celles qui existent déjà vers la mer Noire, la mer Baltique et l'Europe centrale, la Russie accroît ses possibilités de distribution, aujourd'hui saturées. Un handicap pour son économie, d'autant qu'elle peut encore augmenter ses capacités de production et d'extraction. La Russie, fortement dépendante des exportations énergétiques et de la fluctuation des cours, a en effet tout intérêt à développer sa distribution. Le pays détient aujourd'hui 6 % des réserves prouvées à l'échelle mondiale, soit les plus importantes réserves exploitables hors Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Il s'est fixé un objectif de production de 10 millions de barils par jour.
En plaçant ce projet sous sa responsabilité, l'Etat garde la main sur l'exportation de ses ressources énergétiques. Moscou avait précédemment vu d'un mauvais œil le projet de construction d'oléoduc vers la Chine, proposé par Mikhaïl Khodorkovski. L'ancien président de Ioukos est désormais en prison pour fraude fiscale et escroquerie. Dans le cas du tracé japonais, c'est la société publique Transneft qui va conserver le monopole de distribution : en sachant ainsi qui exporte, combien et à qui, l'Etat garde le contrôle. Il va continuer à pouvoir choisir quel revenu incombe à chaque compagnie privée.
Madeleine Vatel
( Le Monde, 03.01.2005)
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Bon, alors je me suis trompée, l'oléoduc n'ira pas vers la Chine. Il est vrai que maintenant Poutine a les moyens de contenter tout le monde en distribuant généreusement des îles ou des petits morceaux de Ioukos...
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
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il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
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aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
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fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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