28.12.04
Le processus lancé avec l'expropriation de facto de Ioukos mène "au chaos" et à "la révolution", assure mardi depuis sa prison l'ex-patron du pétrolier russe, Mikhaïl Khodorkovski, dans le quotidien des affaires Vedomosti.
"L'affaire Ioukos n'est en aucune manière un conflit entre l'Etat et le monde des affaires, mais une attaque d'un business (dont les membres sont les bureaucrates) contre un autre", dit M. Khodorkovski dans un texte publié par le quotidien.
"L'Etat n'est ici que l'otage des intérêts de personnes physiques concrètes, par ailleurs chargés de certaines prérogatives officielles", ajoute-t-il.
"La bureaucratie a aujourd'hui décidé de supprimer totalement la séparation des pouvoirs", afin que "chaque homme politique devienne un bureaucrate (...). (Les bureaucrates) détruisent avec assiduité tous les mécanismes qui pourraient permettre aux Russes de s'exprimer: les élections à tous niveaux, la concurrence de marché, la liberté d'opinion, etc", ajoute l'ancien patron de Ioukos, en prison depuis octobre 2003.
Mais, dit-il, "le pays, suite à l'opération de +renforcement de la contrôlabilité+, peut devenir absolument incontrôlable". Car "seuls les spectateurs les plus naïfs des chaînes de télévision publiques continuent de penser que l'objectif poursuivi est dans l'intérêt du peuple".
"Comme nous l'enseigne l'Histoire, la perte de ce respect, particulier, irrationnel, (que les Russes ont) pour le pouvoir mène inévitablement notre pays au chaos, à la révolte et à la révolution", estime-t-il.
Et "très bientôt la seule opposition à la bureaucratie dévorante va être une foule informe et déchaînée, qui va sortir dans la rue et dire: On nous a promis du pain et des jeux, où sont-ils ?", dit M. Khodorkovski.
L'ex-homme le plus riche de Russie, âgé de 41 ans, évoque encore "ceux, au sein du pouvoir, qui pensent sincèrement qu'ils font actuellement quelque chose de bien pour le pays".
"Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. La logique historique montre qu'ils vont devoir à l'avenir constater que les méthodes répressives en politique, la redistribution des richesses par la force au profit de groupes d'intérêt, sont incompatibles avec la construction d'une économie moderne", dit-il.
"On ne pourra arrêter cette machine après Khodorkovski, Ioukos ou les autres oligarques, elle fera de nombreuses victimes, y compris ses actuels architectes et maîtres d'oeuvre", estime-t-il.
Enfin, estimant que les poursuites qui le visent ainsi que Ioukos ont également été lancées en raison de la "haine du pouvoir" personnellement à son égard - un sentiment prêté au président Vladimir Poutine envers un patron qui lui avait tenu tête - M. Khodorkovski assure que les tenants du pouvoir "veulent l'enterrer en prison pour cinq ans ou même plus".
Jugé pour escroquerie et fraude fiscale à grande échelle en "groupe organisé", Mikhaïl Khodorkovski encourt plus de 20 ans de prison, selon ses avocats.
(AFP via Voila!, 28.12.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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