MOSCOU - Le gouvernement russe a décidé de vendre une partie des actifs de Iouganskneftegaz, principale division de production sibérienne du groupe pétrolier Ioukos, ce qui a provoqué une forte baisse du titre dans la crainte d'une cession à un prix très inférieur aux attentes.
La cotation de l'action Ioukos sur le marché Micex a été suspendue à deux reprises après accusé une baisse de 15%, plongeant à un plus bas de 130,50.
Le titre coté en dollars abandonnait 4,5% à 4,985, après un plus bas de 4,65.
Dans la pire des hypothèses, Iougansk ne serait évaluée qu'à 10,4 milliards de dollars, d'après un rapport établi à l'intention de Moscou par la banque d'investissement allemande Dresdner Kleinwort Wasserstein, déclarait-on à Reuters de source proche du dossier.
"Dans la mesure où l'évaluation de Iougansk est terminée, mais que le remboursement des dettes (de Ioukos auprès du fisc) traîne en longueur sans raison, une décision (...) a été prise de vendre une partie des actifs de Ioukos par l'intermédiaire du Fonds russe des actifs", peut-on lire dans un communiqué du ministère de la Justice.
Aucune précision n'est communiquée. Mais d'après des responsables cités par les agences de presse russe, la décision concerne une partie des actifs de Iougansk, ou la participation de Ioukos dans celle-ci, le produit de la vente étant destiné à payer les arriérés d'impôts dus par le groupe.
"Si tout se passe conformément à la loi, la vente pourrait avoir lieu avant la fin novembre", a déclaré à Reuters Vladimir Zelentsov, porte-parole du Fonds russe des actifs chargé de l'opération.
"Nous ferons probablement connaître d'ici la fin octobre la forme que prendra la vente, le prix de départ et les diverses conditions de l'opération."
"UNE TRES MAUVAISE NOUVELLE POUR IOUKOS"
Conformément aux attentes des analystes, Dresdner Kleinwort Wasserstein a évalué Iougansk entre 15,7 et 18,3 milliards de dollars, a-t-on appris mardi de source proche de l'équipe chargée de l'estimation. Mais le document inclut aussi une évaluation de 10,4 milliards de dollars que la banque d'investissement elle-même considère comme exagérément prudente, ajoutait-on de même source.
"C'est une très mauvaise nouvelle pour Ioukos, car cela montre que le gouvernement est déterminé à séparer Iougansk du reste du groupe", commente l'analyste Oleg Maximov (société de courtage Troika Dialog).
Les problèmes fiscaux de Ioukos s'inscrivent dans le cadre d'une campagne que beaucoup d'analystes estiment orchestrée par le Kremlin, afin d'écraser les ambitions politiques de son fondateur Mikhaïl Khodorkovski. Celui-ci est actuellement jugé pour fraude et évasion fiscales.
D'après les autorités fiscales russes, Ioukos doit 3,4 milliards de dollars d'arriérés d'impôts au titre de l'an 2000 et quatre milliards au titre de l'année 2001, et Iougansk 950 millions de dollars au titre l'année 2002. Soit une dette fiscale totale de 8,35 milliards, dont Ioukos a déjà versé quelque trois milliards.
Sur le marché, on estime que le fisc pourrait porter le niveau des arriérés d'impôts aussi près que possible de la valeur estimée de Iougansk, afin de pouvoir facilement faire passer celle-ci sous le contrôle de sociétés d'Etat telles que Gazprom, qui détient le monopole du gaz en Russie.
D'après l'analyste Adam Landes (Renaissance Capital), Ioukos pourrait maintenant poursuivre à la fois Dresdner Kleinwort Wasserstein et le gouvernement russe devant des juridictions internationales à propos de son estimation de Iougansk.
Les investisseurs s'interrogent aussi sur le respect des intérêts des actionnaires minoritaires de Ioukos.
"La grande question, naturellement, est de savoir ce qui arrivera aux actionnaires minoritaires. Percevront-ils une partie du produit de la vente ou tout sera-t-il englouti par le gouvernement sous forme d'impôts", s'interroge Mark Mobius (Templeton Asset Management).
Dimitri Jdannikov
(Lu dans
Libération)