Le ministre des finances Koudrine a fait ces derniers jours deux déclarations, dont l’une au moins est tout à fait mensongère. Lors d’une rencontre avec des investisseurs étrangers à Washington, il a affirmé que l’incertitude concernant le sort de Ioukos était aggravée par l’attitude des actionnaires majoritaires, qui ne cessent d’annoncer leur intention de mettre l’entreprise en faillite.
Franchement, je ne sais pas où il a entendu ça. Bien au contraire, je vous rappelle l’épisode du 9 juillet, cité dans
un article du Monde :
La journée a été marquée par ce qui semblait être une ultime tentative de Mikhaïl Khodorkovski pour sauver Ioukos d'une mise en faillite, ou d'un démantèlement pouvant prendre la forme d'une vaste vente d'actifs. Réagissant à une information publiée par le Financial Times, selon laquelle M. Khodorkovski aurait adressé une lettre au premier ministre, Mikhaïl Fradkov, et au ministre des finances, Alexei Koudrine, proposant de régler les dettes fiscales de Ioukos en transférant à l'Etat les parts qu'il contrôle dans la compagnie, un communiqué du gouvernement russe niait qu'une telle offre ait été transmise.
Mais dans la soirée, l'avocat de M. Khodorkovski, Anton Drel, réitérait cette proposition.
"J'ai vu aujourd'hui Mikhaïl Khodorkovski, précisait-il. Il m'a demandé de vous faire la déclaration suivante : il a effectivement proposé au conseil d'administration de Ioukos d'utiliser les actions appartenant aux grands actionnaires pour régler les arriérés fiscaux réclamés par le gouvernement." L'avocat ajoutait : "M. Khodorkovski a demandé au conseil d'administration de ne pas prononcer le dépôt de bilan."
Depuis, Mikhaïl Khodorkovski a plusieurs fois confirmé sa position, suppliant littéralement l’État de ne pas déclarer la société en faillite. Victor Guerashchenko, membre du conseil d’administration de Ioukos, a également fait plusieurs déclarations en ce sens.
La seconde déclaration spectaculaire concerne l’éventuelle mise en vente d’une partie des actifs de la société.
« Les actionnaires majoritaires, a-t-il déclaré (décidément, il leur en veut ! il y a quelque chose de maladif dans cette obstination à les accuser…)
affirment que tout ça ne sera pas vendu dans les règles, mais on verra ce qu’il en est. La vente des actifs se fera sur une base de transparence et de concurrence commerciale. Je pense que cela apportera la réponse a de nombreuses questions. »
Cette annonce fait référence à l’estimation de la valeur de Iougansknefetegaz, la principale filiale de Ioukos, effectuée par les experts indépendants de la Drezdner-Bank à la demande du gouvernement russe. La somme annoncée est de l’ordre de 15-17 milliards de dollars, soit beaucoup plus que le montant total des dettes imputées à la compagnie Ioukos.
D’une certaine façon, ce chiffre a été une bonne surprise car les plus pessimistes annonçaient que la valeur de la filiale serait impudemment sous-estimée. Cependant, la manœuvre entreprise il y a quelques semaines par le ministère des ressources naturelles, qui annonçait vouloir retirer à Iouganskneftegaz ses licences d’exploitation, pourraient avoir précisément pour but de rabaisser considérablement la valeur de l’entreprise. Il est vrai que la procédure a depuis été interrompue. Mais selon l’analyste de la radio Echo de Moscou Ioulia Latynyna, il s’agit d’une pause temporaire destinée à réchauffer le climat investitionnel, le temps de finaliser la vente du paquet d’actions de Loukoil qui appartenait à l’État à Conoco-Phillips.
A moins qu’il ne s’agisse d’une n-ième opération de manipulation des cours de Ioukos, comme il s’en est produit des dizaines au cours des mois d’été. En effet, après cette déclaration du ministre, les actions de Ioukos ont augmenté à un point tel qu’il a fallu interrompre leur cotation.