Incarcéré depuis huit mois, l'ancien PDG du géant pétrolier russe Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski s'est exprimé pour la première fois sur le fond des accusations le visant. L'homme le plus riche de Russie a qualifié d'"absurdes" vendredi les charge de fraude, détournement de fonds et évasion fiscale retenues contre lui par la justice de son pays et a estimé qu'il s'agissait d'une affaire politique. Le procès a été ajourné à mardi.
Le magnat du pétrole et son associé Platon Lebedev avaient plaidé non-coupables jeudi. Leurs avocats ont estimé publiquement que la cour était partisane et dévouée à l'accusation.
"A mon avis, la société ne se fait plus d'illusion depuis longtemps sur les motifs politiques sous-jacents à cette affaire", a déclaré Mikhaïl Khodorkovski, selon une retranscription de sa déclaration reproduit sur Internet par ses amis. Réagissant pour la première fois officiellement au long acte d'accusation lu jeudi par le parquet, il a toutefois refusé de "se protéger d'accusations criminelles en faisant des déclarations politiques".
Au lieu de cela, il entend réfuter les charges retenues contre lui sur le terrain judiciaire. "Je vais prouver leur manque de fondement non seulement du point de vue de la loi mais également d'un point de vue éthique en montrant que Ioukos n'a pas payé moins, mais plus, d'impôts que d'autres sociétés", a-t-il affirmé.
Evoquant la question des privatisations dans les années 90, qui ont vu des fortunes considérables se constituer du jour au lendemain dans des conditions opaques, Mikhaïl Khodorkovski a rejeté l'idée que l'on puisse lui faire "endosser les erreurs des lois de privatisation".
Ce procès est l'un des derniers avatars d'une série de procédures judiciaires intentées à l'encontre de MM. Khodorkovski et Lebedev incluant un arriéré d'impôts d'un montant de 100 milliards de roubles (2,7 milliards d'euros) réclamé à Ioukos par la justice russe. Le géant pétrolier a refusé de payer cette somme, qui, affirme-t-il, le conduirait à la faillite.
Les charges retenues contre les deux accusés sont plus précisément centrées autour de la privatisation en 1994 d'une société d'engrais, l'une des opérations qui permirent à Khodorkovski de bâtir son empire. Selon l'accusation, les deux accusés faisaient partie d'un "groupe organisé" qui aurait gagné 20% des parts de la société Apatit, via un montage de sociétés écran.
"En substance, j'ai été accusé de mettre de l'argent d'une de mes poches dans une autre, ce qui est illogique, car les deux entreprises m'appartiennent de fait", a expliqué vendredi l'ancien patron de Ioukos.
L'Etat russe affirme que les actions intentées contre Ioukos et Mikhaïl Khodorkovski participent de la lutte contre la corruption. Mais certains estiment qu'il s'agit en fait d'une revanche du président Vladimir Poutine contre un adversaire qui a financé des formations d'opposition et qui envisageait lui-même de se lancer en politique. En marge du procès, sur le plan financier, Ioukos tente de trouver un compromis avec l'Etat qui l'autoriserait à rééchelonner ses arriérés d'impôts tout en empêchant le gouvernement de saisir ses actifs.
(Lu dans
Le Matin)