Le 30 juin, Platon Lebedev, directeur financier de la Compagnie Ioukos, a été transféré du bloc médical, où il se trouvait jusqu'alors, dans une cellule ordinaire où s'entassent plus de vingt détenus. Et cela au moment où ses avocats avaient au contraire envoyé une requête à la direction de la prison signalant le mauvais état de santé de leur client.
Platon Lebedev est détenu depuis plus d'un an. Il avait été arrêté, on s'en souvient peut-être, à l'hôpital où il venait d'être placé à la suite d'une crise d'hypertension. Depuis son emprisonnement, son état de santé n'a cessé de se dégrader. A aucun moment il n'a eu accès aux soins médicaux nécessaires, sa famille n'a pas le droit de lui faire passer ses médicaments habituels, les examens prescrits par les médecins qui l'ont examiné (suite à l'intérêt manifesté pour son cas par la Cour Européenne de Justice) n'ont pas été effectués.
En février, lors d'une audience de son procès, il s'est évanoui. Le tribunal a fait appeler les médecins du 03 (SAMU russe) qui l'ont examiné et lui ont fait une piqûre, après quoi on l'a renvoyé sur le banc des accusés et l'audience a continué. Les avocats n'ont pas été autorisés à parler aux médecins qui ont pratiqué cette intervention.
Platon Lebedev souffre de plusieurs maladies chroniques, en particulier d'hypertension et d'une hépatite virale chronique active. Le laisser sans soins en ce moment est un véritable crime, qui non seulement met actuellement sa vie en danger, mais qui raccourcit considérablement son espérance de vie dans l'avenir, laissant se développer dans son organisme un virus impossible à combattre par la suite. Conséquence d'une hypertension chronique mal corrigée, la vue de P.Lebedev s'est dégradée au point que cet hiver, il était incapable de lire son dossier d'accusation sans l'aide d'une loupe spéciale (que les autorités de la prison ont fini par lui retirer).
Le plus élémentaire respect des droits de l'homme voudrait que des personnes bénéficiant de la présomption d'innocence ne subissent pas de préjudices corporels irréversibles durant la période de l'instruction. Mais Platon Lebedev, milliardaire, gentleman imposant qui naguère côtoyait les grands de ce monde, n'est plus qu'un pion, un instrument de chantage dans le grand jeu mené contre Mikhaïl Khodorkovski. Peu importe qu'il mène brillamment sa défense, se battant pied à pied pour faire respecter ses droits, qu'il ne cesse de mettre le tribunal face à ses propres contradictions, que, à peine capable de tenir un stylo, il inonde les autorités judiciaires de réclamations manifestant non seulement une parfaite connaissance de la législation mais aussi une mordante ironie. Peu importe même que le chef d'accusation central de son dossier relève d'une affaire ayant dépassé le délai de prescription.
Depuis décembre de l'année dernière, Lebedev était détenu dans l'infirmerie de la prison. Il n'y était pas soigné mais bénéficiait de conditions de détention à peu près décentes, dans une cellule de trois ou quatre personnes également malades ou en observation. Aujourd'hui, alors que débute son procès et malgré l'aggravation de son état de santé, il vient d'être placé dans une cellule surpeuplée, étouffante et sale. Comme les délits économiques qui lui sont imputés sont qualifiés de "particulièrement lourds", il se retrouve en compagnie de détenus déjà condamnés ou accusés de crimes les plus graves – multirécidivistes, violeurs, dealers, assassins…