Hier, le ministère de la Justice a publié le résultat de l’estimation de la filiale de Ioukos Iougansknefetgaz : 10,4 milliards au lieu des 15-17 préalablement annoncés.
Le représentant du ministère de la Justice a en outre affirmé que Ioukos était objectivement dans l’impossibilité de régler sa dette à l’État, qui se monte actuellement à 3,73 milliards de dollars. Il a ajouté que l’État n’était pas satisfait du rythme de remboursement adopté par Ioukos, et que c’était pour cela que les huissiers avaient décidé de mettre en vente Iouganskneftegaz. Il a de plus précisé que la vente d’un paquet d’actions minoritaire ne parviendrait pas à couvrir l’endettement de Ioukos, mais qu’une vente partielle pouvait être envisagée. La vente pourrait être réalisée avant la fin novembre.
Quelques commentaires s’imposent tout de même.
En ce qui concerne le rythme de remboursement des dettes par Ioukos, on ne peut pas ne pas constater qu’il est tout de même assez rapide. On se rappelle que Ioukos a perdu son procès fin mai 2004 et a été condamné au terme d’une parodie de justice à verser à l’État 3,5 milliards de dollars. Or il a déjà versé au budget 72 milliards de roubles, ce qui fait environ 2,57 milliards de dollars. C’est plus du tiers de sa dette, mais malheureusement, ce rythme de remboursement est loin de compenser la rapidité avec laquelle le fisc adresse de nouveaux redressements à Ioukos : 1,9 milliards pour 2001 viennent d’être confirmés par la Cour d’Arbitrage de Moscou, tandis que Service des Impôts s’apprête à récupérer 2,7 milliards supplémentaires sans passer par les tribunaux, et que pas plus tard qu’aujourd’hui, il a annoncé qu’il s’apprêtait à publier dans moins d’une semaine le montant du redressement pour 2002. Et qu’il était en train d’étudier l’exercice 2003.
Bien évidemment, le résultat de toutes ses bonnes nouvelles a été un nouvel effondrement des cours des actions de Ioukos – de 17%, et une nette baisse de l’ensemble des valeurs russes. Cette réaction a été provoquée non seulement par l’annonce d’un chiffre une fois et demie inférieur à ce qui était annoncé, mais aussi par la prise en compte dans cette évaluation d’un «discount» de 60% pour «risques politiques» !
Les experts interviewés ces deux derniers jours sont unanimes, la déception est énorme, tous les acteurs du marché se rendent compte à présent que les paroles du Ministre de l’Economie et des Finances n’étaient, une fois de plus, que du bluff et de la poudre aux yeux des investisseurs étrangers. L’illusion aura été de courte durée, mais suffisante tout de même pour permettre une belle oscillation des cours des actions de Ioukos. Plus étonnante aura été la réaction de la banque chargée de l’expertise, Dresdner Kleinwort Wasserstein. Dresdner a refusé de commenter cette déclaration en se référant à la clause de confidentialité incluse dans le contrat, mais a émis le souhait que le ministère de la Justice publie la totalité du rapport remis par les experts de Dresdner. En effet, la banque avait émis plusieurs hypothèses, correspondant à plusieurs prix de vente, dont le ministère de la Justice n’a retenu que la plus négative.
Le porte-parole de Ioukos Alexandre Shchadrine a pour sa part déclaré qu’ils n’avaient reçu aucun document officiel et qu’ils «essayaient de traduire en russe» les énigmatiques déclarations provenant de ce «respecté ministère» (sic !)
Par ailleurs, le porte-parole de la compagnie a indiqué que l’opération de recouvrement des fonds par les huissiers était génée par les actions des services fiscaux eux-mêmes. En effet, ceux-ci ont exigé la mise sous séquestre de tous les comptes de la compagnie, sauf 6, si bien que les liquidités se trouvant sur les comptes arrêtés ne peuvent être employés par la compagnie pour régler ses dettes.