Aucune enquête ne sera ouverte sur l'agression dont a été victime, il y a cinq jours, l'ancien patron du géant pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, au camp de Krasnokamensk, à 6 000 km de Moscou, où il purge une peine de huit ans pour "escroquerie" et "évasion fiscale". "Les blessures, trop légères, ne justifient pas l'ouverture d'une enquête criminelle", a expliqué, lundi 17 avril Alexandre Sidorov, le porte-parole de l'administration pénitentiaire, accusant l'ex-magnat de "mensonge".
Les avocats de M. Khodorkovski avaient annoncé samedi que leur client avait été, dans son sommeil, balafré au visage par un de ses codétenus. "Une simple égratignure", rétorque l'administration pénitentiaire, indifférente à la présence d'une arme blanche dans le camp. "La blessure n'est pas du tout profonde. Elle peut très bien avoir été faite avec les ongles ou sur un coin de lit", a assuré M. Sidorov. De son côté, l'ancien patron de Ioukos, sa blessure fermée par plusieurs points de suture, a déclaré qu'il ne porterait pas plainte contre son agresseur. Son avocate sur place, Natalia Terekhova, n'a pas été autorisée à le voir.
Condamné en mai 2005 à huit ans de camp au terme d'une affaire décrite comme "politique" par de nombreux observateurs, M. Khodorkovski, 42 ans, purge sa peine dans la région de Tchita, à 60 km de la frontière chinoise, un lieu désolé où sa famille et ses avocats ont du mal à se rendre (Le Monde du 21 février). Estimant que le pouvoir russe cherche à "détruire moralement et physiquement" leur client, ceux-ci sont sur le point d'engager un recours à Strasbourg. "Coup de pub pour la Cour européenne !", titrait lundi le tabloïd Komsomolskaïa Pravda, expliquant qu'il s'agissait d'un coup monté. Le principal défenseur de M. Khodorkovski, Iouri Schmidt, a déploré, lundi, l'attitude des autorités. "Cela prouve qu'il a moins de droits que les autres prisonniers", a-t-il indiqué.
Depuis qu'il a été incarcéré à Krasnokamensk en octobre 2005, l'ancien magnat est harcelé par l'administration pénitentiaire, prompte à l'envoyer au mitard sous des prétextes variés afin d'empêcher une éventuelle remise de peine pour bonne conduite. Il y a deux semaines, il avait ainsi été sanctionné pour avoir "bu du thé dans un endroit non prévu à cet usage".
Marie Jégo