Le tribunal d'arbitrage de Moscou a prononcé mardi la mise en redressement judiciaire de l'ancien géant du pétrole russe Ioukos, déjà au bord du gouffre après une série de procès pour fraude fiscale.
"Le tribunal reconnaît que les exigences de Rosneft (créancier russe) sont fondées et décide de nommer un administrateur extérieur" auprès de Ioukos, a déclaré le juge Pavel Markov dès le premier jour d'examen de la demande de mise en faillite.
Le tribunal se réunira à nouveau le 27 juin pour entendre les conclusions de l'administrateur, Edouard Rebgoun, qui travaille auprès de la Chambre russe de commerce.
Le redressement judiciaire va permettre au groupe de poursuivre son activité, sous la tutelle du tribunal et de l'administrateur. L'étape suivante est le dépôt de bilan si l'entreprise n'est pas en mesure de redresser son activité économique et financière.
Le tribunal d'arbitrage a rejeté toutes les requêtes de Ioukos, qui demandait une suspension d'audience pendant 14 jours et le transfert du dossier devant une cour de Nefteïougansk (Sibérie), où il affirme être enregistré.
La requête de mise en faillite avait été déposée par un consortium bancaire occidental, mené par le groupe français Société Générale, qui demandait le remboursement de 482 millions de dollars.
Le consortium a toutefois vendu dans l'intervalle sa créance à la compagnie pétrolière russe publique Rosneft, que le tribunal d'arbitrage a reconnu comme la nouvelle partie créancière dans la procédure.
"Cette dette a été achetée par Rosneft pour provoquer la faillite d'un concurrent sur le marché pétrolier", a affirmé un des avocats de Ioukos, Drew Holiner, devant la cour.
"Le montant des avoirs de Ioukos qui ont été gelés représente 314 milliards de roubles", soit 11 milliards de dollars, donc largement plus que le montant de cette dette, a poursuivi l'avocat, en s'étonnant que les créanciers ne "se soient pas préoccupés d'en demander le déblocage".
Tim Osborne, directeur exécutif de GML (ex-Menatep), principal actionnaire de Ioukos, a déjà accusé clairement le groupe public et le gouvernement russe de vouloir la fin de Ioukos.
"Le gouvernement ne veut pas que Ioukos survive", a-t-il dit à l'AFP quelques jours avant l'audience en relevant que Moscou avait bloqué à plusieurs reprises la vente par Ioukos de ses parts dans la raffinerie Mazeikiu Nafta en Lituanie.
A Londres, la porte-parole de Ioukos, Claire Davidson, a aussi affirmé qu'en cédant leur créance, les "banques veulent se faire bien voir du gouvernement russe" pour l'introduction en Bourse de Rosneft, prévue en juillet. La compagnie pourrait lever entre 15 et 20 milliards de dollars, une somme record pour une compagnie russe.
Outre Société Générale Corporate and Investment Banking (SG CIB), BNP Paribas, Citigroup, l'allemand Commerzbank et le néerlandais ING sont notamment parties prenantes pour le recouvrement de cette créance.
Rosneft, qui a déclaré être en quête de nouveaux actifs, serait particulièrement intéressé par les filiales encore sous le contrôle de Ioukos, selon la presse russe.
Ioukos, cible d'une campagne judiciaire sans précédent largement considérée comme inspirée par le Kremlin pour rétablir le contrôle de l'Etat sur de précieux actifs pétroliers, s'est déjà vu réclamer plus de 27 milliards de dollars d'arriérés d'impôts.
Pour éponger une partie de ces dettes, la justice russe a déjà vendu Iougansknefgaz, principale filiale de production de Ioukos, aux enchères en décembre 2004 pour quelque 9 milliards de dollars à une société inconnue, elle-même peu après acquise par Rosneft.
L'ancien patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski purge une peine de huit ans de prison dans un camp de Sibérie, après sa condamnation en 2005 pour fraude et évasion fiscale.
AFP via La Croix.