L'ex-oligarque Khodorkovski devrait être condamné pour fraude fiscale.Par Lorraine MILLOT
Cordons de policiers barrant l'accès au tribunal, maîtres-chiens pour faire renifler les suspects, et faux manifestants appelant Poutine à «défendre la Russie» : la fin du procès de Mikhaïl Khodorkovski est en train de tourner à la démonstration de force. Depuis lundi, les trois juges du tribunal Mechtchanski de Moscou ont entrepris de lire un verdict long de près d'un millier de pages et qui, pour l'essentiel, reprend l'acte d'accusation contre l'ancien patron du groupe pétrolier Ioukos. En quatre jours de monotone lecture, le tribunal a déjà reconnu Mikhaïl Khodorkovski et son complice Platon Lebedev coupables de fraude fiscale et escroquerie préméditée, mais les juges continuent à faire durer le suspense quant à la peine qui leur sera infligée. Le parquet a requis dix ans d'emprisonnement. «On dirait que la tâche du tribunal est de noyer dans ce torrent de mots le fond du problème», observait hier l'un des avocats de Khodorkovski, Iouri Schmidt, qui dénonce un procès «politique». «Ils citent une masse de documents, décrets, statuts et autres instructions pour donner l'impression qu'une abondance de faits étaye l'accusation.» Impassibles à ce flot, Platon Lebedev fait des mots croisés pendant l'audience, tandis que Mikhaïl Khodorkovski lit ou communique par sourires avec ses parents dans le public.
Toute la semaine, la télévision russe, qui est sous le contrôle du Kremlin, aura ainsi pu montrer au pays quelle application la justice met à conclure ce procès et comment, devant le tribunal, des «manifestants» appellent à châtier sévèrement ces oligarques. «Poutine, protège-nous de Khodorkovski !», «Les voleurs, en prison !», «Khodorkovski a voulu nous voler notre avenir !», clament les banderoles de ces quelques dizaines de «manifestants», longuement montrés à la télévision. Arrivant par petits groupes organisés, ce sont à l'évidence des «figurants» : des journalistes ont même assuré les avoir vus sortir directement d'un bâtiment du FSB, les services secrets russes. Quant aux partisans de Khodorkovski, qui étaient nettement plus nombreux lundi et qui à force d'enthousiasme commençaient à gagner le soutien des passants dans la rue, ils se sont vu entretemps interdire de manifester devant le tribunal.
(
Libération, le 19.5.2005)