L'ex-patron de Ioukos Mikhaïl Khodorkovski et son associé Platon Lebedev, qui attendent en prison leur verdict prévu lundi, feront l'objet d'un nouveau chef d'accusation lié à une enquête sur le blanchiment d'argent, a annoncé vendredi le Parquet, cité par l'agence Interfax.
"Les enquêteurs prévoient très prochainement de présenter un nouveau chef d'accusation à Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev" a déclaré Natalia Vichniakova, porte-parole du parquet général.
L'accusation est liée à une enquête sur "la légalisation de sommes acquises de façon criminelle" et porte "sur plusieurs milliards de roubles", a précisé la porte-parole.
M. Khodorkovski, ex-patron du groupe pétrolier russe, attend son verdict lundi dans un procès où il faisait l'objet de sept chefs d'accusation, notamment d'escroquerie et fraude fiscale "à grande échelle et en groupe criminel organisé". L'accusation a requis une peine de 10 ans de prison.
(Lu dans
Voilà, le 13.5.2005)
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Cela fait un moment que l'on s'en doutait. Déjà cet hiver, lors de mon passage au Tribunal Meschansky (là où se déroule le procès de Mikhail Khodorkovski), j'avais entendu des bruits à ce sujet.
La raison est simple - le système pénitentiaire russe est ainsi fait qu'un accusé condamné ne reste pas en prison, il est envoyé dans une colonie pénitentaire (camp de travail), héritage du système du GOULAG. Mais bien que les conditions dans les camps puissent être extrêmement pénibles (comme dans celui que j'ai visité en janvier au delà du cercle polaire, à Vorkouta), on y est tout de même plus libre qu'en prison, avec parfois des permissions pour aller travailler à l'extérieur du camp. On y est également moins surveillé qu'en prison, et les visites y sont généralement aussi plus facile. Enfin, les camps sont généralement situés loin de Moscou...
Pour le pouvoir, il est plus commode de tenir Khodorkovski dans une cellule de quelques mêtres carrés à Moscou que de l'expédier dans un camp. La surveillance y est plus facile, les moyens de pression plus aisés.
De plus, cette "récidive" d'accusation répond à un besoin de propagande crucial pour le pouvoir. Les officiels sont en train de perdre le procès Yukos devant l'opinion publique. Si en octobre 2003 l'arrestation de Khodorkovski avait fait sensiblement monter la côte de popularité de Poutine avant les élections, maintenant l'affaire Yukos a un effet inverse. Dans son bras de fer contre la compagnie et contre Khodorkovski, le pouvoir a commis les mêmes fautes devant la loi et la morale que celles qui sont reprochées aux accusés. De plus, le personnage de Khodorkovski a bien peu justifié les espoirs de ses ennemis : il se montre d'une fermeté, d'une dignité et d'une courtoisie exemplaires durant les débats, il ne possède ni propriété somptueuse, ni comptes en suisses dont les média pourraient faire étalage. Et ceux-ci n'ont même pas la ressource de se rattraper sur les dépenses somptuaires réalisées par les ex-collègues de Khodorkovski, car cela ne ferait que renforcer le sentiment d'arbitraire que suscite dans la population la persécution du seul patron de Yukos. Reste donc à ressasser et faire "mousser" auprès du public toujours les mêmes accusations, à les fragmenter et en ruminer chaque miette, afin de réchauffer l'indignation bien érodée du public. Mais là encore, c'est sans compter sans l'intelligence et le sens de l'absurde des Russes...