4.12.04
Les relations entre la Russie de Vladimir Poutine et l'Occident, marquées par un rapprochement spectaculaire après le 11 septembre 2001, mais mises à mal avec la crise irakienne, l'affaire Ioukos, la Tchétchénie et le raidissement du régime russe, se détériorent avec la crise en Ukraine.
S'exprimant vendredi à la Fondation Nehru de New Delhi lors d'une visite en Inde, un partenaire de longue date depuis l'époque soviétique, le président russe a dénoncé une "dictature dans les affaires du monde (...) enrobée dans une belle phraséologie pseudo-démocratique".
Une attaque dans des termes inédits, qui visait au premier chef les Etats-Unis - M. Poutine ne les a pas nommés - mais manifestement aussi le monde occidental dans son ensemble.
La crise ukrainienne, où la Russie, malgré un soutien démonstratif au candidat du pouvoir pro-russe en place à la présidentielle qui n'a pas réussi à imposer sa vision des choses face à l'implication des Occidentaux, a précipité l'apparition d'une fracture entre Moscou d'un côté, Washington et l'Europe de l'autre.
Vendredi également, la Douma (chambre basse russe), dominée aux deux tiers par le parti pro-Kremlin Russie Unie, votait à la quasi-unanimité une résolution dénonçant "l'approche unilatérale" des Européens en Ukraine, et leur ingérence provoquant le "chaos".
Au fil des déclarations, la confrontation verbale a pris des airs de guerre froide.
Il y a une semaine le conseiller du Kremlin Sergueï Iastrjembski accusait les Occidentaux de mener une politique agressive via "la démocratie de rue" et "l'anarchie" dans les pays de la zone d'influence russe, en ex-URSS.
Il n'hésitait pas à citer pour précédent la "révolution de la rose" en Géorgie en 2003, le renversement de Slobodan Milosevic en Serbie en 2000, mais aussi le mouvement mené par Solidarité en Pologne dans les années 1980, soit l'un de ceux qui ont en définitive sonné le glas du régime soviétique à Moscou.
Renforçant l'impression de retour à une autre époque, le président Poutine, reprenant le thème d'un "monde multipolaire" privilégié par Moscou, a vanté vendredi dans son discours à New Delhi la "coopération Russie-Inde-Chine" susceptible de fournir un "apport fondamental" à la stabilité globale.
Une coopération "en dehorsde la logique des blocs", a-t-il tenu à préciser.
Le ton pris par le dialogue entre Russes et Occidentaux tranche avec le tournant ouvertement pro-occidental que M. Poutine avait fait prendre à son pays en rejoignant la coalition antiterroriste après les attentats du 11 septembre 2001.
Jetant la Russie - à contre-pied d'une bonne partie de l'opinion publique russe - dans un "partenariat" avec les Occidentaux, M. Poutine pouvait même à l'époque se permettre une boutade sur l'entrée de son pays dans l'Otan.
Grâce à son aval précieux en faveur d'une implantation militaire occidentale dans les républiques d'Asie centrale aux portes de l'Afghanistan, il a réussi à mettre en sourdine les critiques occidentales sur la guerre de Tchétchénie.
Mais là aussi les choses ont évolué. Il a dénoncé dans une interview à la presse indienne vendredi l'asile donné par les Européens et les Etats-Unis à deux émissaires du président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov, qui selon lui "équivaut à l'approbation du terrorisme".
La crise irakienne n'a rien arrangé, même si Moscou a pu y partager avec Berlin et Paris la direction d'une "troïka" anti-guerre face à Londres et aux Américains.
Quant à l'affaire Ioukos, dont l'ex-patron Mikhaïl Khodorkovski risque plus de vingt ans de prison, elle participe d'une tendance de plus en plus marquée du pouvoir russe vers l'autoritarisme, dont la moindre critique par les Occidentaux se heurte à une fin de non recevoir du Kremlin.
(AFP via Le Revenu, 4.12.2004)
Derniers développements
|
L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
|
|