2.12.04
Il deviendrait un leader dans le pétrole.
Moscou de notre correspondance
Premier producteur mondial de gaz, le groupe public russe Gazprom pourrait bientôt devenir aussi le plus grand groupe pétrolier de Russie. La naissance d'un tel monstre dans le monde de l'énergie pourrait advenir si, comme l'a déclaré, mardi 30 novembre, son président Serguei Bogdantchikov, Gazpromneft, filiale de Gazprom, rachète aux enchères les actifs de Iouganskneftegaz, la principale filiale du groupe pétrolier russe Ioukos.
Il y a deux mois pourtant, le président de Gazprom, Alexei Miller, assurait qu'il n'étudiait "même pas la possibilité de participer à une vente aux enchères" des actifs de Ioukos. Mais, depuis, la justice a imposé à Ioukos, pour payer sa dette fiscale, la mise en vente des actifs de Iouganskneftegaz, qui réalise 62 % des extractions du groupe.
A trois semaines de la vente aux enchères d'actifs prévue pour le 19 décembre et en attendant l'aval du conseil d'administration de Gazprom, le géant du gaz ne cache plus ses intentions. Où le groupe va-t-il trouver l'argent pour cette opération, alors que le prix de départ est fixé à 8,6 milliards de dollars (6,46 milliards d'euros) ?
"UN VRAI RISQUE"
Selon les experts, Gazprom devrait emprunter 6 milliards de dollars et puiserait le reste dans ses propres filiales. Il éviterait ainsi une alliance avec des européens. Mais il n'est pas acquis que les banques se prêteront au jeu. Elles pourraient reprendre les arguments de Menatep, holding qui regroupe les participations des principaux actionnaires de Ioukos. "Quiconque se porte acquéreur de Iouganskneftegaz devra en assumer tous les risques, notamment judiciaires et financiers, liés à l'achat de ses actions", a ainsi prévenu Tim Osborne, directeur exécutif de Menatep.
Ioukos a en effet engagé des poursuites auprès de la cour de Moscou pour déclarer illégale la décision des huissiers. Il leur reproche de ne pas avoir commencé par la vente d'actifs minoritaires et de s'être attaqué directement à Iouganskneftegaz.
Les analystes soulignent la nécessité de ménager la holding pour garder une certaine stabilité. "Il y a un vrai risque de voir Menatep poursuivre Gazprom et l'Etat devant une cour internationale pour vente aux enchères illégale, explique Maxim Machkov, chez Brunswick UBS. Ils seraient alors obligés de verser une importante compensation aux actionnaires minoritaires pour les dédommager de la chute de leurs actions."
M. Machkov poursuit : "L'Etat va chercher à faire converger ses intérêts avec un des principaux fournisseurs de gaz à l'Europe. Or l'hiver est là, et l'Etat ne peut se permettre de mettre Gazprom en difficulté dans ses exportations." D'autant que Gazprom fournit 20 % des recettes du budget fédéral de la Russie.
L'autre possibilité serait la création d'un consortium étranger. Hormis Gazprom, d'autres compagnies n'excluent pas de participer comme les chinois ou l'italien ENI, la compagnie anglo-néerlandaise Shell, l'allemand EON, ou bien encore l'Inde avec Oil and Natural Gas Corp. ou Indian Oil Corp.
Même si la naissance d'un tel groupe contredisait les propos tenus par le président Poutine, qui certifie qu'il n'a pas l'intention de nationaliser le groupe pétrolier, les candidatures d'investisseurs étrangers ne feraient politiquement pas le poids devant Gazprom. Surtout si celui-ci devient, par cette opération, l'un des trois leaders de la production mondiale du pétrole.
Madeleine Vatel
(Lu dans Le Monde, 2.12.2004)
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L'Observatrice
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