30.11.04
Le géant gazier russe Gazprom a mis fin au suspense mardi et annoncé son intention de participer aux enchères pour acquérir la principale filiale du pétrolier en difficulté Ioukos, affichant ainsi son ambition de devenir un poids lourd du secteur pétrolier.
Un mois à peine après sa naissance officielle, Gazpromneft, la nouvelle filiale pétrolière de Gazprom, qui rassemble les actifs pétroliers du groupe gazier et de la compagnie publique russe Rosneft, a dévoilé des projets de croissance accélérée.
Le président de Gazpromneft, Sergueï Bogdantchikov, a annoncé que son groupe serait candidat à l'acquisition de 76,8% des actions de Iouganskneftegaz, la filiale qui produit 62% du brut de Ioukos.
Ces actifs doivent être vendus aux enchères le 19 décembre pour une mise de départ de 8,65 milliards de dollars afin d'éponger une partie de la dette fiscale colossale de Ioukos.
Avec une telle acquisition, la production annuelle de Gazpromneft passerait de 37 millions de tonnes (Mt) actuellement, à 88 voire 90 Mt dès l'année prochaine et à 120 Mt en 2010, ce qui lui permettrait de rivaliser avec BP, Shell ou ExxonMobil, a souligné le responsable.
"Il s'agit en fait de la création d'un grand groupe pétrolier", a renchéri le ministre de l'Industrie et de l'Energie russe Viktor Khristenko.
L'action Gazprom était en hausse de 1,85% à 1,1 dollar à la Bourse de Moscou (RTS) peu avant la clôture mardi.
Cette annonce confirme la stratégie des autorités russes de rétablir un contrôle plus étroit de l'Etat sur le secteur pétrolier russe.
"Ce n'est pas une grosse surprise", a observé Valeri Nesterov, analyste de la société d'investissement Troïka Dialog, estimant que les groupes étrangers n'auront aucune chance d'emporter les enchères "hautement politiques" pour Iouganskneftegaz.
"Les seuls doutes que nous ayons portent sur la façon dont Gazprom pourra financer une telle acquisition" alors que l'endettement du géant pétrolier est déjà important. "L'argent devrait venir d'un consortium international", a-t-il suggéré.
M. Bogdantchikov a expliqué que cette décision, qui doit encore être approuvée par le conseil d'administration de Gazprom, avait été suggérée par la Deutsche Bank, qui conseille le géant gazier pour sa stratégie.
La banque allemande a préconisé que Gazpromneft accroisse sa taille en acquérant des groupes de taille moyenne, comme Iouganskneftegaz ou encore Sourgoutneftegaz ou Sibneft, respectivement quatrième et cinquième producteur de pétrole russe, selon M. Bogdantchikov.
La solution qui a été considérée comme "la plus rentable est celle de Iouganskneftegaz", a conclu le responsable russe, soulignant que Gazpromneft pourrait envisager encore d'autres acquisitions.
La recommandation de la Deutsche Bank -- qui avait été révélée la veille par des fuites dans la presse -- "arrive au moment propice pour les autorités" et leur permettra "de minimiser l'arrière-fond politique de la vente d'une filiale de Ioukos", a souligné le journal Vremia Novostieï, mardi.
Mais les propriétaires actuels de Ioukos, qui considèrent la vente soldée des actifs du groupe par la justice comme une expropriation, ont d'ores et déjà annoncé leur intention de contre-attaquer.
"N'importe quel acquéreur de Iouganskneftegaz (...) devra en assumer tous les risques, notamment judiciaires et financiers", a prévenu Tim Osborne, le directeur exécutif de Menatep, le holding qui regroupe les participations des principaux actionnaires de Ioukos, cité par Interfax.
Le ministre du Développement économique Guerman Gref avait dénoncé la semaine dernière les projets visant à faire de Gazprom un "hypermonopole" dans l'énergie.
Gazprom dispose du monopole du transport et des exportations de gaz en Russie, compte pour 86% de la production de gaz du pays et a également acquis récemment des participations importantes dans le secteur de l'électricité russe.
(Dépèche AFP lue dans Courrier International le 30.11.2004)
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L'Observatrice
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