1.12.04
Poussé par le Kremlin, le géant russe du gaz se dit prêt à participer au «dépeçage» de la société pétrolière.
Par Lorraine MILLOT
Le loup est sorti du bois : Gazpromneft, la filiale pétrolière de Gazprom, a annoncé hier qu'il serait bien candidat au rachat du principal actif de Ioukos, la compagnie Iouganskneftegaz. Le géant gazier russe, qui est aussi le principal fournisseur de l'Union européenne, a ainsi désormais toutes les chances de devenir le fossoyeur de Ioukos, comme beaucoup d'analystes le prédisaient depuis plusieurs semaines. Mieux : Serguei Bogdanchikov, directeur de Gazpromneft, a souligné agir là sur conseil de la Deutsche Bank, qui aurait recommandé l'achat de ces actifs «les plus rentables» pour le développement pétrolier de Gazprom.
La vente aux enchères de 77 % de Iouganskneftegaz, à un prix de départ de 6,7 milliards d'euros, a été ordonnée par la justice russe pour payer les redressements fiscaux faramineux imposés à la maison mère depuis un an. Les dirigeants de Ioukos crient à l'expropriation et ont prévenu qu'ils poursuivraient en justice les repreneurs de leurs actifs. «N'importe quel acquéreur de Iouganskneftegaz devra en assumer tous les risques, notamment judiciaires et financiers», avertissait hier Tim Osborne, directeur exécutif de Menatep, la holding de l'ancien principal actionnaire de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski. Ces menaces semblent assez dissuasives pour les grands groupes pétroliers étrangers, qui devraient se tenir à l'écart des enchères prévues le 19 décembre. Mais Gazprom, qui est déjà très endetté, déploie ces derniers temps une énergie considérable pour trouver des partenaires étrangers qui l'aideraient à financer, et légitimer, ce rachat.
Groupe semi-public jusqu'alors essentiellement gazier, mais fort de ses bons contacts internationaux, Gazprom est manifestement le principal instrument trouvé à ce jour par le pouvoir russe pour réorganiser à sa guise le secteur énergétique. En septembre, le Kremlin a ainsi ordonné sa fusion avec le groupe pétrolier public Rosneft, pour former la nouvelle entité Gazpromneft. Le rachat de Iouganskneftegaz en ferait un nouveau géant russe, né des cendres de Ioukos.
(Lu dans Libération, le 1.12.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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