2.12.04
Le ministre russe du Développement économique Guerman Gref a abaissé mercredi la prévision de croissance économique en Russie pour 2004 à 6,8% et souligné que les signaux contradictoires émis par le pouvoir avaient contribué à ralentir l'économie.
Le ministre avait auparavant révisé plusieurs fois en hausse sa prévision de croissance du produit intérieur brut, jusqu'à une fourchette de 6,9% à 7,1%, grâce à la conjoncture pétrolière et sous la pression du Kremlin qui souhaite voir se réaliser son objectif d'un doublement du PIB en 2010 par rapport à 2002.
Le ministre a reconnu mercredi devant les députés que les objectifs d'inflation devraient être largement dépassés cette année.
Les prix à la consommation devraient augmenter de 11,5% en 2004, alors que le gouvernement avait prévu de les maintenir entre 8% et 10%.
»Nous n'avons pas une économie planifiée», avait dit comme pour se justifier lundi Andreï Klepatch, le responsable du département des prévisions économiques du ministère en présentant au président Poutine les derniers chiffres de la croissance.
Guerman Gref a expliqué cette révision de la croissance par un ralentissement de la production industrielle dû à des facteurs conjoncturels. Mais aussi à cause d'un ralentissement des investissements liée »aux signaux contradictoires» émis par le pouvoir depuis le début de l'année et à une pause dans les réformes.
Les investissements dans le secteur pétrolier ont baissé de 20% sur neuf mois, freinant l'augmentation de la production de brut, principal moteur de la croissance russe. Et les investissements boursiers ont également marqué le pas en cette »période dangereuse», a souligné le ministre.
»Les années précédentes, nous avons oeuvré pour créer un milieu économique libéral, concurrentiel. Mais les relations entre le monde des affaires et le pouvoir se sont tendues» dernièrement, a reconnu le ministre.
L'affaire Ioukos, qui devrait déboucher prochainement sur la vente soldée des actifs de ce qui est encore aujourd'hui le premier groupe pétrolier russe, a éveillé les craintes des milieux des affaires qui craignent de faire à leur tour l'objet d'une campagne judiciaire.
Les grandes maneuvres dans le secteur pétrolier avec la montée en puissance du géant gazier Gazprom ont rendu prudents les groupes pétroliers qui ont préféré reporter certaines décisions d'investissement.
Alors qu'un député lui demandait sa position sur un rachat des actions du pétrolier Ioukos par le géant gazier Gazprom contrôlé par l'Etat, le ministre a estimé »qu'une augmentation de la présence étatique dans les secteurs privés de l'économie n'était pas bonne».
Il a souhaité au contraire que l'Etat mette en pratique son programme de privatisation en rappelant »qu'aucun monopole (public) en Russie n'était compétitif».
Dans ses prévisions économiques d'automne publiées mardi, l'OCDE a elle aussi constaté »des développements négatifs dans le secteur pétrolier, en particulier l'effet sur la production totale d'un ralentissement de l'extraction de grands groupes privés, comme Ioukos et Sibneft».
L'OCDE prévoit une croissance économique de 6,4% cette année en Russie et estime qu'elle devrait ralentir à 5,5% en 2005 et 2006.
Ce niveau de croissance reste bien supérieur à celui observé dans les pays développés, mais l'OCDE a mis en garde contre une tendance à l'augmentation des importations plus rapide que la progression des exportations de matières premières.
Guerman Gref a estimé que la Russie ne pourrait pas parvenir à un rythme de croissance annuelle de 7% à 7,5% avant 2008 ou 2010. Cette prévision écarte implicitement la possibilité que la Russie puisse doubler son PIB en 2010 par rapport à 2002.
(Lu dans Tageblatt, le 2.12.2004)
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L'Observatrice
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