22.12.04
Moscou de notre correspondante
Si le mystère reste entier sur l'identité de la société BaïkalFinansGroup qui a remporté la vente aux enchères de la filiale du groupe pétrolier russe Ioukos, Vladimir Poutine, en visite en Allemagne, mardi 21 décembre, a publiquement approuvé les circonstances entourant cette adjudication controversée.
La veille, le département d'Etat, à Washington, avait estimé que le démantèlement de Ioukos "portait atteinte à la réputation de la Russie comme endroit où faire des affaires". Un porte-parole de la Maison Blanche a affirmé, mardi, que les Etats-Unis étaient "déçus" par l'attitude de Moscou dans l'affaire Ioukos.
S'exprimant lors d'une conférence de presse, le président russe a affirmé que "les actionnaires de BaïkalFinansGroup sont des personnes physiques actives dans les affaires depuis de longues années". Il n'a fourni aucune autre précision sur cette société dont personne, en Russie, n'avait entendu parler avant la vente aux enchères du 19 décembre.
Le président russe a cherché, mardi, à dissiper les doutes sur l'ensemble de cette opération, qui marque l'aboutissement d'une offensive fiscale et judiciaire longue de dix-huit mois, lancée par les autorités russes contre le groupe privé Ioukos et son ancien patron, emprisonné à Moscou, Mikhaïl Khodorkovski, soupçonné d'ambitions politiques.
Vladimir Poutine a indiqué que les actionnaires de BaïkalFinansGroup avaient "l'intention de construire des liens avec d'autres compagnies énergétiques russes", allusion, selon les commentateurs russes, au géant étatique Gazprom, qui a entrepris, cette année, de se diversifier dans le pétrole.
Le chef du Kremlin a en outre évoqué le rôle que pourrait jouer la compagnie pétrolière chinoise CNPC. Celle-ci avait, un temps, manifesté sa volonté de participer à la vente aux enchères de Iouganskneftegaz, la filiale de Ioukos, avant de renoncer. "Entre Gazprom et la compagnie chinoise, il existe un accord de coopération dans la sphère énergétique,a souligné Vladimir Poutine. Et nous n'excluons pas que -CNPC- participe également à l'exploitation des biens qui ont été vendus aux enchères." Il a ajouté que "les modalités de ce travail seront décidées par les partenaires eux-mêmes", confirmant ainsi que Gazprom aurait un rôle de premier plan dans la gestion des actifs de Iouganskneftegaz.
LOT DE CONSOLATION
Vladimir Poutine a souligné que le sort de Ioukos était "naturellement un problème interne à la Russie", et que tout s'était passé "en pleine conformité avec la loi russe".
Le chancelier Gerhard Schröder lui a apporté son plein soutien sur ce point, affirmant, à son tour, qu'il s'agissait d'une "affaire interne à la Russie". L'Allemagne est le premier partenaire économique de la Russie, et sa plus grande banque, la Deutsche Bank, entretient des liens privilégiés avec les autorités russes et le géant Gazprom. Après la décision d'un tribunal américain exposant les repreneurs de Iouganskneftegaz à des poursuites judiciaires et à des saisies d'actifs à l'étranger, un consortium de banques occidentales, emmené par la Deutsche Bank, avait ajourné un crédit estimé à environ 13 milliards de dollars que tentait de négocier Gazprom.
L'entrée en lice de la compagnie étatique CNPC traduit le souci des autorités de Pékin d'accroître leurs approvisionnements en pétrole de Sibérie. Cet été, Ioukos avait annoncé l'interruption de ses fournitures à la Chine. CNPC espère avoir en Gazprom - qui, selon des analystes financiers à Moscou, deviendra "le propriétaire final de Iouganskneftegaz" - un partenaire plus fiable.
CNPC avait subi une déconvenue, en 2002, lorsqu'elle avait été écartée de la vente aux enchères du pétrolier Slavneft. Iouganskneftegaz produisant 1 million de barils de pétrole par jour, soit plus que le Qatar, Vladimir Poutine a tendu, mardi, aux Chinois, un gros lot de consolation.
Natalie Nougayrède
( Le Monde, 22.12.2004)
Derniers développements
|
L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
|
|