20.12.04
Cette vente de 76,79 % des actions de Iouganskneftegaz signe la fin du groupe Ioukos en tant que premier producteur russe de pétrole puisque cette filiale qu'il détenait à 100 % assurait à elle seule 62 % de sa production de brut.
Baïkalfinansgroup, une société russe inconnue, mais soupçonnée de représenter les intérêts du Kremlin, a acheté aux enchères, dimanche 19 décembre, à Moscou, la principale filiale de Ioukos, pour 6,975 milliards d'euros, marquant le début de la fin pour le numéro un du pétrole russe.
Surgi de nulle part à la veille de la vente, le "groupe financier Baïkal", ignoré des milieux d'affaires moscovites, a récemment été enregistré à Tver, au nord-ouest de la Russie. C'était l'unique renseignement disponible à son sujet dimanche soir et l'origine des fonds nécessaires pour finaliser la transaction n'a pas été précisée.
Les représentants de Baïkal se sont esquivés immédiatement et les journalistes, qui suivaient les opérations sur un écran dans une salle voisine, n'ont pu les approcher.
Baïkal n'affrontait qu'un rival, Gazpromneft, la filiale pétrolière du géant gazier Gazprom, contrôlé par l'Etat.
UNE VENTE "ILLÉGALE"
Gazprom, premier producteur de gaz au monde a commencé a afficher cet été de grandes ambitions dans le secteur pétrolier avec sa fusion avec le pétrolier public Rosneft. Il avait annoncé son ambition de s'offrir le joyau de Ioukos, Iouganskneftegaz, pour se hisser directement à la hauteur des majors pétrolières mondiales.
Les enchères n'ont duré que dix minutes. Les représentants de Baïkal, un homme et une femme, ont fait monter le prix d'un seul coup d'un demi-milliard de dollars, soit plus de 373 millions d'euros. Ceux de Gazpromneft ont alors demandé l'autorisation de téléphoner. Après avoir terminé leur communication, ils n'ont pas renchéri et les trois coups de marteau traditionnels ont scellé la vente.
Cette vente de 76,79 % des actions de Iouganskneftegaz signe la fin du groupe Ioukos en tant que premier producteur russe de pétrole puisque cette filiale qu'il détenait à 100 % assurait à elle seule 62 % de sa production de brut.
Un porte-parole de Ioukos, Alexandre Chadrine, a immédiatement réagi en réaffirmant que la vente était "illégale" du point de vue du droit russe et international, "ce qui avait été confirmé par un tribunal indépendant et neutre" - celui de Houston, aux Etats-Unis.
"La compagnie estime que le vainqueur des enchères d'aujourd'hui s'est acheté pour 9 milliards de dollars (6,715 milliards d'euros) un sérieux mal de tête", a ajouté M. Chadrine, cité par l'agence Interfax, faisant allusions à de futures poursuites judiciaires.
Mais il s'agit aussi d'un coup très dur pour Ioukos, dont la faillite semble désormais inévitable, a estimé Tim Osborne, le directeur exécutif du holding Menatep qui réunit les principaux actionnaires du groupe pétrolier, dont son ex-patron Mikhaïl Khodorkovski, en prison depuis 14 mois.
"Je pense qu'il sera très difficile de maintenir Ioukos comme entité viable, alors qu'il doit 27 milliards de dollars au fisc dont 10 milliards (seulement) viendront de la vente de Iouganskneftegaz", a déclaré M. Osborne'AFP. "Je dirais que la faillite est inévitable, mais c'est à la direction d'en décider", a-t-il ajouté par téléphone depuis Londres.
BAÏKAL : UNE SOCIÉTÉ ÉCRAN ??
Quant au mystérieux acheteur, toutes les hypothèses étaient ouvertes dimanche soir, mais celles d'une société écran agissant en réalité pour le Kremlin, qui souhaite reprendre le contrôle des ressources énergétiques du pays, étaient nettement privilégiées.
Le maître de Iouganskneftegaz contrôlera 11,63 milliards de barils de brut, soit 17 % des réserves russes.
"Il s'agit soit de l'Etat, soit d'une compagnie proche de l'Etat", a déclaré Chris Weafer, analyste chargé de la stratégie de la banque Alfa. Il y a trois hypothèses, a-t-il poursuivi : "soit c'est une société écran pour protéger les intérêts de Gazprom vis-à-vis de la justice américaine", soit elle agit pour la compagnie pétrolière Sourgoutneftegaz considérée comme proche du Kremlin, soit "c'est une combinaison des intérêts de l'Etat, de Gazprom et de Sourgoutneftegaz".
Tant Gazprom que Sourgoutneftegaz ont immédiatement démenti avoir des liens avec Baïkal, a rapporté Interfax.
Les avocats de Menatep avaient averti dimanche que Gazprom pourrait utiliser une société écran pour se mettre à l'abri des poursuites judiciaires qu'ils comptent engager contre les acquéreurs. Ioukos a a sollicité auprès d'un tribunal de Houston, au Texas, un placement sous la protection de la loi américaine sous les faillites, invoquant des pressions politiques sur les juges russes.
Un représentant du ministère de la justice, Alexandre Bouksman, a indiqué que si le groupe Baïkal ne s'acquittait pas sous 14 jours des 9,35 milliards de dollars (6,977 milliards d'euros) dus pour cette acquisition, la vente serait annulée et l'Etat pourrait récupérer les actions de Iouganskneftegaz.
Avec AFP, Reuters et AP
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Arrestation d'un ancien responsable de Ioukos à Moscou
Un tribunal de Moscou a ordonné l'arrestation pour dix jours d'un ancien collaborateur de Ioukos, Vladimir Pereverzine, a annoncé, dimanche, son avocat Igor Iartykh, cité par Interfax. M. Pereverzine, qui dirige actuellement une société enregistrée à Chypre et qui s'occupait de la revente de brut extrait par Ioukos, avait été interpellé samedi par la police.
Des chefs d'inculpation doivent lui être présentés avant l'écoulement du délai de sa détention provisoire, a ajouté l'avocat, sans émettre d'hypothèses en la matière.
Plusieurs responsables et actionnaires du groupe, frappé par une série d'attaques judiciaires, sont soit en prison comme son ex-pdg Mikhaïl Khodorkovski, soit en exil.
Ioukos a dénoncé dans un communiqué le 10 décembre une "terreur stalinienne" contre ses collaborateurs après l'arrestation de trois de ses juristes.(-AFP).
(AFP via Le Monde, 20.12.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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