18.12.04
Le consortium bancaire qui devait fournir les fonds au principal acheteur de la filiale du pétrolier a décidé d'ajourner sa décision suite à la procédure engagée aux Etats-Unis. Le ministre des Affaires étrangères russe a affirmé que la procédure suivrait son cours "selon la loi russe".
I oukos a remporté vendredi 17 décembre une victoire devant la justice américaine qui a ordonné la suspension de la vente de ses plus précieux actifs pétroliers, mais les autorités russes entendent ignorer "le diktat" et procéder aux enchères, comme prévu, dimanche.
Un tribunal de Houston (Texas) a ordonné de suspendre pendant dix jours ouvrables la vente de Iouganskneftegaz, la principale filiale de production de Ioukos, en vertu de la loi sur les faillites dont demande à bénéficier la compagnie pétrolière. Celle-ci s'est adressée à la justice des Etats-Unis, estimant les juges russes sous influence politique.
Le tribunal a conclu que Gazprom, grand favori pour le rachat, ne pouvait participer aux enchères, et que les banques occidentales BNP Paribas, JP Morgan et Deutsche Bank devaient geler un prêt envisagé pour le groupe gazier russe.
Ioukos, qui clame depuis des mois que cette vente est illégale (car il s'agit pour la compagnie d'un actif essentiel) et accuse le Kremlin d'avoir délibérément agi pour détruire le groupe du milliardaire Mikhaïl Khodorkovski --en prison depuis plus d'un an-- et récupérer ses biens à peu de frais, s'est dit "satisfait".
Mais Moscou ne montre aucune intention de se plier aux injonctions de la justice américaine.
Les lois russes
L'affaire Ioukos "se développe conformément à la législation et sera résolue sur la base des lois russes", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. "Certaines personnes veulent sans doute utiliser ces événements pour artificiellement accroître les tensions entre la Russie et l'Occident", a-t-il ajouté.
Le Fonds des biens d'Etat, chargé d'organiser les enchères, a lui aussi immédiatement réagi: "il n'y a aucun fondement pour annuler la vente de dimanche", a déclaré son porte-parole Alexandre Komarov.
Ioukos a obtenu par la décision de la justice américaine "une satisfaction morale", commente l'analyste économique Mikhaïl Berguer.
Mais les autorités vont répondre "par le mépris: ce n'est pas pour arrêter soudainement la vente et se rendre aux Américains que des dizaines, des centaines de procureurs, de juges, de fonctionnaires du fisc ont bombardé depuis plus d'un an" le numéro un du pétrole russe, dit-il.
Les banques de Gazprom réflechissent
En revanche, la décision prise à Houston fait réfléchir le consortium de banques occidentales, conduit par la Deutsche Bank, qui envisage de prêter 10 milliards d'euros à Gazprom pour participer aux enchères.
"Les membres du consortium ont décidé d'attendre que le tribunal prenne une décision sur le fond", a assuré l'agence Interfax citant depuis Londres une source proche des banques concernées.
Ces banques effectuent des opérations aux Etats-Unis et pourraient y rencontrer des difficultés si elles choisissaient d'ignorer la décision de la justice américaine.
Gazprom, la compagnie dont l'Etat russe est le premier actionnaire et autour de laquelle il aimerait constituer un géant semi-public des hydrocarbures, n'a quant à lui pas l'intention d'abandonner. "Nous participerons aux enchères", a martelé un porte-parole.
"Les prétendants se bousculent" et si les banques occidentales refusaient d'octroyer le prêt demandé, le groupe trouverait facilement en Russie de nouveaux créanciers, a même assuré un responsable. Et les conditions de vente pourraient prévoir des paiements étalés sur plusieurs mois.
Possibles représailles
Gazprom est, il est vrai, peu implanté outre-Atlantique.
Mais il a des biens et des activités dans nombre d'autres pays, en Europe notamment, et pourrait y faire l'objet de tentatives de représailles de Ioukos.
Un responsable du gouvernement a rappelé à cet égard vendredi l'affaire Noga, cette société suisse en litige avec l'Etat russe pour un contrat de troc, qui avait tenté de faire saisir en France le voilier-école Sedov ou des avions militaires au salon du Bourget.
La décision de Houston devrait en effet essentiellement permettre à Ioukos de protéger les actifs du géant pétrolier placés à l'étranger, et de poursuivre le futur acquéreur.
La vente de Iouganskneftegaz a été décidée par les autorités russes pour récupérer les colossales dettes fiscales que la justice réclame à Ioukos (plus de 27 milliards de dollars). Elle le dépossédera de son actif le plus précieux, la filiale assurant 60% de sa production de brut.
(Le Nouvel Obs, 17.12.2004)
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NB 1 : MERCI AU NOUVEL OBS POUR AVOIR INDIQUE L' "OBSERVATOIRE DU PROCES KHODORKOVSKI" PARMI LES RESSOURCES INTERNET SUR L'AFFAIRE IOUKOS !
(Je me disais aussi - tiens, la fréquentation a drôlement augmenté, tout d'un coup ! )
:-)
NB 2 : Khodorkovski ne s'est pas du tout dit "satisfait", il a au contraire dit qu'il était "TRISTE que les nouveaux dirigeants de Ioukos aient été obligés d'en arriver là" !
:-(
L'Observatrice
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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