A Monsieur Michel Pébereau, Président du Conseil d'administration de BNP Paribas
A Monsieur Baudouin PROT, Administrateur Directeur Général de BNP Paribas
A Monsieur Herbert Walter, PDG de Dresdner Bank
A Monsieur Josef Ackermann, PDG de Deutshe Bank
A Monsieur William B. Harrison Jr., PDG de JP MorganChase Bank
A Monsieur Jean Laurent, Président du Conseil d'Administration de CALYON
A Monsieur Edouard Esparbes, Directeur général de CALYON
A Monsieur Rijkman Groenink, PDG de ABN AMRO
Monsieur le Président Directeur Général
Suite à la toute récente annonce selon laquelle le groupe bancaire que vous dirigez va faire partie des banques occidentales auprès desquelles le groupe russe GAZPROM va emprunter de quoi racheter les dépouilles de la compagnie russe YUKOS, nous nous permettons de vous écrire afin de vous informer du
contexte éminemment politique de cette affaire.
En effet, il ne faut pas sous-estimer le poids dans les consciences de l'affaire YUKOS-Khodorkovski dont vous devenez désormais un acteur à part entière (sans doute involontairement). En effet, vous risquez d'apparaître en Russie comme une
compagnie occidentale sans scrupules, soucieuse de son seul profit et dont l'action ne respecte aucune morale.
Avoir GAZPROM pour client et prêter une somme de cette ampleur inédite (pour l'aider à racheter Youganskneftegaz, principal actif de YUKOS, et dont la vente est d'ailleurs illégale selon la législation russe) est certes flatteur pour une banque, mais cela signifierait, à notre avis,
céder à un calcul de court terme. En effet, le retentissement médiatique de l'affaire s'amplifie de jour en jour, et l'image de votre groupe groupe en Russie, qui jusqu'à une période récente était neutre, serait chargée très négativement, compte tenu de l'aspiration innée des Russes à la justice et au respect d'une certaine éthique professionnelle.
Nous sommes convaincus que votre groupe est particulièrement soucieux de son image auprès de ses nouveaux marchés et que faire du recel n'entre pas dans son business-plan en Russie.
En participant au prêt syndiqué que GAZPROM s'apprête à obtenir, vous vous exposeriez à un mépris durable tant des milieux d'affaires russes que des simples citoyens, vos futurs clients. Votre expansion commerciale en Russie, face notamment à des concurrents comme Raiffeisenbank ou Société Générale, pourrait être compromise. Nous ne sommes donc pas persuadés que cela soit une très bonne idée, et ce d'autant plus que même en France, la presse ne manquera pas d'en faire état sous un angle que vous aurez du mal à maîtriser car le registre n'en sera pas économique, mais strictement politique.
Nous voudrions préciser enfin que notre groupe est totalement indépendant, ne bénéficie d'aucun financement et ne cède à aucune pression; aucun de nos membres n'est acteur de l'affaire et notre but est uniquement de
défendre les droits de l'homme et la démocratie en Russie.
Recevez, Monsieur le Président-Directeur Général, l'expression de nos sentiments les plus respectueux.
Le groupe SOVEST