Par Hélène DESPIC-POPOVIC
L'ex-patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, condamné à neuf ans de prison pour fraude fiscale, observe «depuis plusieurs jours» une grève de la faim par solidarité avec son ancien bras droit, Platon Lebedev, jeté au cachot en dépit de ses problèmes de santé quelques jours avant que son affaire ne repasse devant la justice. C'est ce qu'a annoncé lundi son avocat, Me Anton Drel, sur la radio Echo de Moscou. L'ancien oligarque, très critique du régime du président russe Vladimir Poutine, refuse, selon son défenseur, nourriture et boisson.
Me Anton Drel a lu à l'antenne un communiqué du milliardaire emprisonné: «Le 19 août 2005, le jour anniversaire du putsch du GKTchP (ndlr :comité d'Etat pour la situation d'urgence, conservateurs communistes s'étant soulevés contre Gorbatchev en 1991), mon camarade Platon Lebedev a été conduit au cachot dont la surface est de trois mètres carrés», explique Khodorkovski. «Bien que formellement cet acte de représailles est expliqué par le refus de Lebedev de sortir en promenade, tout le monde comprend que ce n'est qu'un prétexte», poursuit-il. «Platon est gravement malade et depuis plus d'un an, il n'est pas en mesure de faire les promenades en prison. Il est évident que mon ami a été jeté au cachot parce qu'on voulait se venger sur moi, le détenu Mikhaïl Khodorkovski, pour mes articles et interviews», affirme l'homme d'affaires. Le même texte a été lu partiellement sur la chaîne nationale de télévision NTV.
Les démêlés des deux anciens associés, tous deux condamnés à neuf ans de prison, se sont aggravés depuis la publication le 1er août par la presse russe d'un article surprenant de Mikhaïl Khodorkovski prônant un virage à gauche de la Russie pour contrer l'actuel dérapage autoritaire de Vladimir Poutine. Il expliquait notamment que les libéraux modérés doivent entrer en coalition avec la gauche pour répondre aux aspirations sociales et aux besoins de justice de la population lors des prochaines parlementaires de 2007. Et il s'affirmait prêt, quelques jours plus tard, à se présenter aux élections. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Le 8 août, Lebedev, qui était soigné à l'hopital de la prison, a été transféré dans une cellule bondée de neuf personnes. Le 19, il a été mis au cachot officiellement pour avoir refusé de faire sa promenade hebdomadaire, ce qui, plaide son avocat, constitue un droit et non pas une obligation. Le 9 août, Khodorkovski a été placé dans une cellule de 15 personnes sous prétexte de travaux. Les avocats de Platon Lebedev estiment que le transfert de leur client dans une cellule d'isolement viole ses droits à la défense, son procès devant être revu en appel à la fin du mois par une cour de Moscou.
Lu dans
Libération, le 23 aout 2005