7.4.05
MOSCOU (AFP) - L'avocat de l'ex-patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, qui demande la relaxe de son client, a argué mercredi d'incohérences dans le réquisitoire, notamment le recours à des lois qui ne sont plus en vigueur.
"L'accusation vit pratiquement au siècle passé, puisqu'elle en appelle à des lois qui ne sont plus en vigueur", a dit le principal avocat de M. Khodorkovski, Guenrikh Padva.
"Le réquisitoire est une symbiose des lois en vigueur et de celles qui ne le sont plus", a-t-il ironisé lors d'une plaidoirie qui a parfois suscité des rires dans la salle.
M. Khodorkovski, arrêté en octobre 2003 et inculpé avec son principal associé Platon Lebedev et à l'encontre duquel ont été requis 10 ans de détention avec confiscation des biens notamment pour fraude fiscale et escroquerie à grande échelle "en groupe criminel organisé", est entre autre accusé d'avoir payé les impôts de quatre entreprises qu'il contrôlait avec des lettres de change. Cette pratique était interdite par l'ancien Code pénal, mais elle ne l'est plus selon le nouveau code amendé en 2003, a assuré Me Padva.
La défense s'en est également prise au chef d'accusation désignant MM. Khodorkovski et Lebedev comme organisateurs, au début des années 1990, "d'un groupe criminel".
"L'existence d'un tel groupe devrait avoir des traces physiques: rencontres, lettres, décisions", a estimé l'avocat. "Or, aucun des 70 témoins entendus au procès n'a dit qu'un tel groupe a bien existé", a-t-il souligné.
Et "pourquoi" un autre associé de M. Khodorkovski, Andreï Kraïnov, troisième inculpé du dossier, "a-t-il enregistré dans son agenda tous ses actes en les illustrant avec des petits schémas qui ont servi au procureur? Pourquoi ne les a-t-il pas cachés ou détruits?" s'il s'agissait d'un groupe criminel, a ironisé l'avocat.
L'avocat a également démenti le vol par M. Khodorkovski et son co-inculpé Platon Lebedev de 44 % des actions d'un centre de recherche sur les engrais chimiques.
"Ils les ont acquis légalement à un prix 20 fois supérieur à leur valeur nominale", a-t-il dit.
Selon la défense, "il n'y avait aucun crime non plus" dans le versement de 88 millions de dollars en lettres de changes sur des comptes appartenant aux compagnies du magnat russe Vladimir Goussinski, l'ancien propriétaire de la télévision d'opposition NTV, forcé par la suite à l'exil par le Kremlin.
"C'était un crédit et l'enquête prouve que (les sociétés de M. Goussinski) l'ont bien remboursé", a estimé Me Padva.
Les plaidoiries de la défense devraient s'achever jeudi. Le procès se tient depuis le 16 juin dernier au tribunal Mechtchanski de Moscou. Aucune date n'a été à ce jour indiquée pour l'annonce du verdict.
(Lu dans AFP via Yahoo!) ===== Petit commentaire :
"... accusé d'avoir payé les impôts de quatre entreprises qu'il contrôlait avec des lettres de change. Cette pratique était interdite par l'ancien Code pénal, mais elle ne l'est plus selon le nouveau code amendé en 2003, a assuré Me Padva... "
Non, c'est l'inverse, chers collègues journalistes (nous avons dû nous croiser, n'est-ce-pas, dans les couloirs du Tribunal...). Ou plutôt - c'est plus compliqué que ça. Tout d'abord, l'accusation affirme que le recours aux "lettres de change" ("vekseli") a été un moyen de se soustraire au paiement de l'impôt. Or la défense a réussi à prouver que les paiements avaient bien été TOUS effectués, et que le recours au paiement différé par lettres de change cotées en Bourse a en fait PROFITE au créditeur, car la valeur de ces lettres de change a augmenté PLUS VITE que l'inflation. Et d'un. Deuxièmement, le fisc affirme que le paiement par lettres de change était interdit. Or cette pratique était AUTORISEE à l'époque. Elle a ENSUITE été INTERDITE (et Yukos y a donc renoncé), et L'AN DERNIER, cette pratique, toujours interdite, a été DECRIMINALISEE, c'est-à-dire que les conflits liés à son utilisation relèvent du civil et non plus du pénal.
Sur toutes les accusations avancées par le parquet général, une seule n'a pu être ni réfutée, ni prouvée. Il s'agit des prestations de conseil en entreprise fournies par les accusés en 1998-1999 et ayant donné lieu à de grosses réductions d'impôts. L'accusation affirme que ces prestations étaient fictives, et que les réductions n'étaient pas justifiées, la défense affirme qu'elles étaient réelles. Toutes les autres ont été brillamment démontées par les accusés et leurs avocats.
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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