19.10.04
Par Elif Kaban
Le démembrement du groupe pétrolier russe Ioukos semblait mardi de plus en plus inéluctable, l'acquisition de sa filiale de production Iouganskneftegaz par le géant gazier Gazprom ayant été officiellement évoquée par le vice-ministre de l'Economie Andreï Charonov.
D'après les analystes, un dénouement est maintenant proche dans le conflit qui oppose depuis un an le groupe au fisc, l'agence russe des privatisations ayant annoncé lundi son intention de mettre en vente Iougansk au cours du mois prochain. Les fonds ainsi levés seront affectés au règlement des énormes arriérés d'impôts de Ioukos, évalués à plus de huit milliards de dollars.
Andreï Charonov a apporté lundi la première confirmation officielle de Moscou à ce que les analystes soupçonnaient depuis longtemps : il a déclaré à l'agence Interfax que d'après les informations dont il disposait, Gazprom pourrait participer le 22 novembre aux enchères prévues pour la vente de Iougansk, et ce par l'intermédiaire d'une de ses filiales.
D'autre part, l'agence de notation Moody's a déclaré avoir réduit de "B1" à "B2" la note de la dette senior de Ioukos, et de "B2" à "B3" sa note d'émetteur, ce qui place les obligations du groupe dans une catégorie hautement spéculative.
E.ON SUR LES RANGS ?
"D'après les informations dont je dispose, certaines sociétés affiliés à Gazprom pourraient figurer parmi les éventuels participants aux enchères concernant Iouganskneftegaz", a indiqué Charonov à Interfax.
De source proche du Kremlin, on déclarait aussi à l'agence de presse russe que le groupe allemand E.On, principal client de Gazprom et son actionnaire à 6%, pourrait soumissionner au nom du groupe gazier russe. Aucun commentaire n'était toutefois disponible chez E.On.
L'utilisation par Moscou de l'appareil judiciaire russe pour écraser Ioukos inquiète les investisseurs étrangers, qui ont déjà rapatrié plusieurs milliards de dollars, et suscite des interrogations sur l'indépendance de la justice.
Les marchés craignent que Iougansk ne soit bradé au détriment de ses actionnaires minoritaires, et ce d'autant plus que d'après une dépêche Interfax publiée lundi, le montant minimal des enchères pourrait correspondre aux dettes immédiates de Ioukos vis-à-vis du fisc, c'est-à-dire 3,7 milliards de dollars.
Sur les huit milliards d'arriérés d'impôts qui lui sont réclamés au titre des exercices 2000 et 2001, Ioukos en a déjà payé environ trois. Et l'estimation officielle des sommes dues dans l'immédiat correspond aux demandes déjà déclarées recevables par les tribunaux, qui n'ont pas encore statué sur le solde.
UNE BATAILLE POLITIQUE
Ioukos a fait appel à la banque américaine J.P. Morgan Chase dans l'espoir d'en obtenir une estimation de Iougansk plus favorable que l'évaluation minimale de 10,4 milliards de dollars figurant dans une étude commandée par le Kremlin à la banque Dresdner Kleinwort Wasserstein, d'après une source proche du dossier.
Dans les milieux d'affaires, beaucoup estiment que les déboires de Ioukos résultent de la volonté du Kremlin d'écraser les ambitions politiques de son ancien patron et principal actionnaire Mikhaïl Khodorkovski. Celui-ci est actuellement jugé pour fraude et évasion fiscales.
Le ministre russe des Finances Alexeï Koudrine lui-même a exprimé sa préoccupation face à l'impact que l'affaire Ioukos risque d'avoir sur les investisseurs internationaux.
"L'affaire Ioukos influence le climat économique entier de la Russie. Cela provoque un sentiment de nervosité dans la communauté économique mondiale", déclare-t-il dans une interview publiée mardi par le périodique Itogi.
Koudrine, qui est un tenant des réformes libérales, s'était engagé voici un mois à ce qu'une éventuelle vente de Ioukos soit transparente et conforme à la loi. Mais depuis lors, Moscou a déclaré la semaine dernière qu'il avait l'intention de vendre les actifs de Iougansk à prix minime.
(Lu dans : Yahoo! Finance)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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