La Cour d'Arbitrage de Moscou a reconnu la Compagnie pétrolière Ioukos coupable et la condamne à verser à l'Etat 3,5 milliards de dollars.
Personne sans doute ne pensait que la Cour d'Arbitrage rendrait un verdict contraire aux exigences du Ministère des Impôts et Recettes, mais personne ne s'attendait non plus à un tel mépris des apparences mêmes de la justice.
Un procès bâclé !
Trois jours à peine ont été nécessaires pour examiner une affaire dont l'acte d'accusation comportait 432 tomes! Pourquoi une telle hâte? Parce qu'il importait pour l'accusation que le verdict soit rendu avant le commencement des auditions préliminaires du procès Khodorkovski. L'accusation avait d'ailleurs demandé que la Cour siège même la nuit. Cependant, les représentants du Ministère se sont révélés incapables de tenir le rythme qu'ils avaient eux-mêmes imposé. Lorsqu'ils ont commencé à se perdre dans leurs propres dépositions et à égarer des déclarations d'impôt, la cour a tout de même décidé de faire une pause pour la nuit...
Des conditions inégales
La cour n'a donné que quelques heures aux avocats de la compagnie pour prendre connaissance du dossier de l'accusation.
De plus, elle ne leur a pas permis de s'exprimer : durant ces trois journées, l'accusation a monopolisé la parole. Lorsque les avocats de la défense protestaient ou essayaient d'opposer leurs arguments, le juge Grechinshkine les en empêchait en affirmant qu'il leur donnerait la parole "plus tard". Finalement, ceux-ci n'ont eu le droit de parler que trois heures. Contre vingt-trois heures pour l'accusation.
Une approche tendancieuse
On ne peut que s'étonner également de ce que toutes les accusations des representants du Fisc aient été acceptées sans même être être examinées (le juge n'a pas même pas consulté la moitié des tomes constituant le dossier d'accusation), alors même que ceux-ci s'embarrassaient dans leurs propres arguments, tandis que toutes les objections, requêtes et protestations de la défense ont été rejetées. Le juge n'a écouté aucun argument de la défense, même les plus logiques. Par exemple le fait que "le Fisc reconnaît l'existence et la légitimité des compagnies lorqu'elle prend en compte les versements que celles-ci font au Trésor Public, mais lorsqu'ils s'agit des réductions d'impôts auxquelles elles ont droit - le Fisc declare subitement que ces compagnies sont fictives et décide de présenter la note correspondant à ces réductions à la compagnie Ioukos"
Et après?
La compagnie Ioukos va évidemment faire appel de ce jugement, mais peut-elle vraiment espérer faire valoir ses droits? Dans un communiqué de presse, elle a fait savoir qu'elle n'excluait pas l'éventualité d'une mise en faillite, surtout si le Ministère se livre au même genre de redressement fiscal pour les années 2001, 2002 et 2003.