La Cour Européenne : "L'affaire Goussinski ? Du racket d'Etat."
"Racket d'Etat" - c'est, en gros, ce dont la Cour Européenne a reconnu coupable la Russie, en la condamnant à verser 88 000 $ à Vladimir Goussinski. Goussinski, on s'en souvient, avait été accusé de graves délits économiques et emprisonné durant trois jours à la prison de la Boutyrka à Moscou. Après qu'il eut consenti à céder son empire médiatique à Gazprom, un conglomérat proche du pouvoir auprès duquel la société de Goussinski, "média-most" était endettée, il avait été libéré et les poursuites contre lui avaient été abandonnées. Aujourd'hui, Vladimir Goussinski est en exil.
La décision de la Cour européenne (
que l'on peut consulter en anglais sur internet) est un précédent important, car elle marque la prise de conscience de ce que le système est en Russie instrumentalisé par le pouvoir. Elle dit notamment (p.19)
76.In the Court’s opinion, it is not the purpose of such public-law matters as criminal proceedings and detention on remand to be used as part of commercial bargaining strategies. The facts that Gazprom asked the applicant to sign the “July Agreement” when he was in prison, that a State Minister endorsed such an agreement with his signature, and that a State investigating officer later implemented it by dropping the charges, insistently suggest that the applicant’s prosecution was used to intimidate him.
77.. In such circumstances the Court cannot but find that the restriction of the applicant’s liberty permitted under Article 5 § 1 (c) was applied not only for the purpose of bringing him before the competent legal authority on reasonable suspicion of having committed an offence, but also for alien reasons."
Donc, en d'autres termes, la mise en détention de Goussinski est une mesure d'intimidation dont se sont rendus complices un Ministre d'Etat et un juge d'instruction. Si pour trois jours de prison la Russie a été condamnée à verser à V. Goussinski 88 000 $, combien devra-t-elle verser à M. Khodorkovski pour 7 mois (pour le moment) de détention ? Celui qui me donnera la bonne réponse gagnera un badge du groupe SOVEST.
L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'inquiète de l'affaire Ioukos
Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, la rapporteuse nommée par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) pour enquêter sur les allégations de motivation politique dans l'affaire Ioukos, est arrivée lundi dernier à Moscou. Contrairement à son attente, elle n'a pas été autorisée à rendre visite en prison à Mikhaïl Khodorkovski ni a Platon Lebedev. Le motif invoqué par le Tribunal pour refuser cette visite est que la rapporteuse de l'APCE ne rentre pas dans la liste des personnes autorisées à rendre visite aux accusés détenus. L'argument est parfaitement spécieux puisque :
1) l'hiver dernier un député de la Douma - qui fait partie des personnes expressément autorisées en permanence (sans avoir à demander d'autorisation spéciale) à rendre visite aux détenus - n'a également pas pu rencontrer Mikhaïl Khodorkovski en prison,
2) la dite liste n'est pas limitative.
Droits de l'Homme: Poutine souhaite coopérer avec le Conseil de l'Europe
Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles ! Voici une remarquable dépèche de l'AP
Le président russe Vladimir Poutine a affirmé jeudi que Moscou entendait développer "une coopération sérieuse" avec le Conseil de l'Europe et pourrait même lui demander de l'aide en matière de droits de l'Homme sur "certains dossiers très sensibles" pour son pays.
"Nous accordons une attention particulière aux activités d'institutions comme le Conseil de l'Europe", a assuré M. Poutine en recevant au Kremlin le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil, Alvaro Gil-Robles. "C'est important pour nous, pour la Russie, pour la relativement jeune démocratie russe. Nous comptons bien sûr sur une coopération sérieuse avec vous, peut-être même sur une assistance sur certains dossiers qui sont très sensibles pour nous", a ajouté le président.
Le Conseil de l'Europe critique régulièrement l'attitude de la Russie dans la guerre en Tchétchénie. Il a aussi reproché à Moscou son attitude avec les médias dans les élections législatives et présidentielle de décembre et mars, et enquête actuellement sur les poursuites engagées contre l'ancien patron du groupe pétrolier Mikhaïl Khodorkovski, en prison depuis octobre.
Alvaro Gil-Robles s'est montré peu expansif à l'issue de son entretien avec Vladimir Poutine, lui déclarant que son "soutien aux droits de l'Homme était très important" pour lui et que Conseil de l'Europe considérait la Russie comme "un pays ami". "Nous devons travailler sur certaines questions difficiles". Il a ajouté avoir "toujours bénéficié du soutien et de la coopération des autorités russes dans l'examen des problèmes tels qu'ils sont vraiment et leur résolution appropriée".
On peut se demander ce que signifie l'expression typiquement diplomatique "problèmes tels qu'ils sont vraiment". Quant à "l'assistance sur certains dossiers particulièrement sensibles" - oh, très volontiers! Cela dit - au vu des deux paragraphes précédents, on peut vraiment se demander si le pouvoir russe n'est pas légèrement schizophrène. Ou supposer que le président a vraiment besoin de l'aide de l'Europe pour lutter contre certaines composantes "extrêmistes" de ce qu'il est convenu d'appeler en Russie "le pouvoir"...