Le Conseil de la Fédération (le Sénat russe) a voté à l'unanimité, vendredi 2 juin, pour la démission du procureur général de Russie, Vladimir Oustinov, un proche du Kremlin, en place depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000. La mise à l'écart du procureur est intervenue "à la demande du président russe" à qui le procureur avait adressé une requête en ce sens, a expliqué Sergueï Mironov, le porte-parole du Sénat, à ses collègues étonnés.
Le brusque renvoi du procureur intervient alors que le Kremlin vient de lancer une vaste opération "main propres" qui a touché des élus, des officiers du FSB (ex KGB) et des responsables des douanes. Comme à l'accoutumée, Vladimir Oustinov, un proche de l'élite au pouvoir, s'était montré à la pointe du combat en déclarant que la "corruption menaçait la sécurité nationale".
Pendant les cinq ans passés à son poste, M. Oustinov a toujours été fidèle au Kremlin, tant lors des poursuites judiciaires lancées contre Vladimir Goussinski, le patron de la chaîne indépendante de télévision NTV, fermée en 2002 sur décision du pouvoir, que dans l'affaire du démantèlement - en 2003 - de la première major pétrolière russe Ioukos, décrite comme politique par de nombreux observateurs. Son limogeage est d'autant plus inattendu qu'il y a un an à peine, Vladimir Oustinov avait été reconduit à son poste pour cinq ans.
La presse russe se perdait en conjectures sur la démission du procureur, samedi matin, l'interprétant à la lumière de la lutte des clans en cours au Kremlin dans la perspective de la présidentielle de 2008. Vladimir Oustinov - dont le fils Dimitri est marié à Inga Setchina, la fille du numéro deux de l'administration présidentielle russe, Igor Setchine - fait partie du clan des "faucons".
Toujours selon la presse, ce clan, et le procureur en particulier, étaient, ces derniers temps, en train d'accumuler des "preuves compromettantes" contre Dimitri Medvedev, du clan adverse (celui des "colombes"). Vice-premier ministre et directeur adjoint de Gazprom, Dimitri Medvedev est donné comme un des successeurs probables de Vladimir Poutine à la tête du pays, aux côtés de Sergueï Ivanov, le ministre de la défense, qui est, dit-on, le favori du clan des "durs".
Marie Jégo