Cinq jours à la tête de Ioukos, puis le sixième : plaqué au sol et emprisonné. Le dépeçage du groupe pétrolier de Mikhaïl Khodorkovski s'achève comme il a commencé, dans la violence et sans s'embarrasser d'un quelconque Etat de droit.
Nommé le 1er avril vice-président exécutif de Ioukos, avec fonction de président, par la direction en exil à Londres, l'avocat Vassili Aleksanian a été brutalement arrêté jeudi soir à Moscou et mis en examen pour «blanchiment» et «détournement de biens», ce qui peut lui valoir jusqu'à vingt-cinq ans de prison. Juste avant son arrestation, Vassili Aleksanian avait eu le temps de faire savoir qu'il avait été prévenu : «Tenez-vous à l'écart de cette compagnie», l'aurait averti un juge d'instruction. «Après leur avoir déclaré que je ne m'apprêtais pas à quitter Ioukos, ils m'ont dit, avec un sourire moqueur, qu'ils voyaient pour la première fois un homme demander de son plein gré à aller en prison», avait-il rapporté au quotidien Kommersant. «Les magistrats m'ont dit que je devrais m'inquiéter pour mon enfant et ma santé», avait confié Vassili Aleksanian.
Détermination. Cette interpellation la trente-cinquième arrestation ou poursuite d'une personne pour ses liens avec la société Ioukos, a calculé le centre de presse de Mikhaïl Khodorkovski montre la détermination des autorités russes à en finir avec ce qui reste de l'ancien numéro 1 du pétrole russe.
Sous la menace permanente des arrestations, des dirigeants de Ioukos restés en Russie, qui ont annoncé ne plus obéir à Steven Theede, le PDG en exil à Londres, se sont ralliés aux autorités. Anatoli Nazarov, chef de la filiale «raffinage et marketing», a ainsi refusé en mars la démission demandée par Londres d'un de ses subordonnés, soupçonné d'avoir profité des difficultés de la compagnie pour détourner entre 50 et 100 millions de dollars de recettes.
Redressement. C'était pour tenter de reprendre le contrôle de Ioukos à Moscou que la direction londonienne avait nommé Vassili Aleksanian, avocat de longue date du groupe. Sitôt nommé, ce fidèle avait constaté que le chef de la filiale «raffinage et marketing» refusait de lui remettre les documents demandés. «On cherche à réduire la valeur des actifs» de Ioukos avant sa mise en faillite, soupçonnait Vassili Aleksanian. Fin mars, le groupe a été placé en redressement judiciaire, préparatoire à une faillite qui pourrait être déclarée en juin.
De facto, Ioukos est passé sous le contrôle de Rosneft, la compagnie pétrolière d'Etat qui s'est emparée en décembre de sa principale filiale, Iouganskneftegaz et qui utilise aujourd'hui les raffineries de Ioukos pour traiter son pétrole, dénoncent les derniers fidèles de Mikhaïl Khodorkovski. «Rosneft veut le contrôle de Ioukos, sans même le payer», observait mi-mars un de ces fidèles, Roman Khomenko, remarquant avant même l'arrestation de Vassili Aleksanian que tout manager qui refusait d'exécuter les ordres donnés par Rosneft était aussitôt convoqué par le parquet.
Lorraine Millot
Photographie : Kommersant.ru
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