La justice russe a confirmé jeudi en appel la condamnation de Mikhaïl Khodorkovski, réduisant juste sa peine à huit ans de prison au lieu de neuf, une décision qui met fin aux espoirs de ceux qui voulaient voir l'ex-oligarque entrer en politique en briguant un poste de député en décembre.
Le tribunal de Moscou a confirmé le verdict de culpabilité de Mikhaïl Khodorkovski, condamné en mai pour fraude fiscale et escroquerie à grande échelle, après avoir examiné le dossier d'appel en une seule journée alors que le procès avait duré onze mois et que la lecture du verdict avait traîné sur deux semaines.
La peine a toutefois été allégée d'un an, un point du dossier (concernant des transferts d'argent au profit de l'homme d'affaires Vladimir Goussinski, aujourd'hui en exil) ayant été levé. »La condamnation est réduite à huit ans», a annoncé le juge Viatcheslav Tarassov après 50 minutes de délibération.
Le tribunal a aussi réduit la condamnation du plus proche associé de M. Khodorkovski, Platon Lebedev, jugé en même temps que lui et condamné à la même peine.
Le procureur Dmitri Chokhine s'est immédiatement félicité: »le tribunal a jugé la condamnation légale, fondée et juste. Nous sommes totalement satisfaits», a-t-il dit devant les journalistes.
La défense a quant à elle annoncé qu'elle continuerait à contester, d'abord devant le praesidium du Tribunal municipal de Moscou puis devant la Cour suprême.
»Cet examen d'appel est une parodie de justice», a dénoncé l'avocat Iouri Chmidt, selon lequel la réduction »cosmétique» de la peine est »un acte de pure propagande».
D'ores et déjà, la condamnation peut entrer en vigueur et l'homme d'affaires devrait donc être envoyé »dans une colonie pénitentiaire à régime ordinaire», conformément au verdict prononcé le 31 mai.
C'est l'ultime rebondissement d'un feuilleton politico-financier de près de deux ans, qui de fait a écarté un baron des affaires considéré comme trop influent par le Kremlin et a démantelé le numéro un du pétrole russe Ioukos pour le faire revenir dans le giron de l'Etat.
M. Khodorkovski, 42 ans, considéré comme l'homme le plus riche de Russie avant son arrestation en octobre 2003, avait été condamné au terme d'un procès considéré comme largement politique, au cours duquel les juges avaient suivi à la lettre les demandes du parquet général.
La défense a présenté en appel »une requête d'une centaine de pages» dans laquelle elle dénonçait un verdict »tendancieux (...) violant la Constitution et la loi», selon les termes de Guenrikh Padva, principal avocat de l'ex-patron de Ioukos.
Le rejet de l'appel ruine les espoirs de ceux qui, comme la libérale Irina Khakamada, voulaient voir Khodorkovski entrer le plus rapidement possible en politique, pensant qu'il pouvait devenir un opposant réformateur sérieux au clan des pro-Poutine.
L'ex-oligarque avait annoncé son intention de briguer un mandat de député dans une législative partielle prévue en décembre dans une circonscription de Moscou. Et sa candidature avait déjà été déposée. Mais la confirmation de la condamnation lui interdit désormais de se porter candidat.
»Certaines personnes au sommet du pouvoir ont fait pression sur les juges (...) pour que le verdict entre en vigueur le plus vite possible afin d'empêcher Khodorkovski d'être candidat aux élections», a accusé Me Chmidt.
»On me tiendra en prison tant que la peur vis-à-vis de l'opposition l'emportera sur la confiance (...). Les gens doivent comprendre que j'ai été condamné dans le mépris de la loi», a pour sa part relevé M. Khodorkovski lors des audiences de jeudi, malgré une tentative du juge de l'interrompre au motif qu'un tribunal n'était »pas le lieu pour des déclarations politiques».
(
Tageblatt, 23.09.2005)