L'ancien patron du groupe pétrolier russe Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, en prison pour fraude fiscale, propose un programme ambitieux à son pays, prônant l'abandon d'une économie basée sur les matières premières et le dépassement de la fracture entre les élites et la nation, dans une interview citée samedi par la radio Echo de Moscou.
Sans s'en prendre directement au président Vladimir Poutine, il accuse le pouvoir de passivité, affirmant que le mot d'ordre actuel du Kremlin est »pourvu que cela n'empire pas».
»Si nous nous battons +pour que cela n'empire pas+, nous nous trouverons bientôt piétinés par la Chine qui progresse impétueusement, et nous cesserons d'exister en tant qu'Etat indépendant», prédit M. Khodorkovski, interviewé par le journal nationaliste Zavtra.
Il estime nécessaire la formulation d'une stratégie de développement national »pour cent ou deux cents ans à venir», qui »proposera le passage à la société post-industrielle et l'abandon de l'économie de matières premières au profit d'une économie basée sur les connaissances».
Parmi les objectifs de cette stratégie, il cite aussi »le développement à marches forcées de la Sibérie et de l'Extrême-Orient et l'augmentation de la population ne serait-ce que à 220 ou 250 millions, et encore mieux à 300 millions» (contre 145 millions aujourd'hui, avec une démographie fortement négative).
Ensuite, déclare-t-il, il faut »mobiliser la nation autour des élites politiques pour réaliser une telle stratégie», tout en précisant qu'il ne s'agit pas des élites d'aujourd'hui, occupées par leurs intérêts étroits, mais des générations montantes, intéressées par une perspective à long terme et capables de dépasser »la séparation catastrophique entre les élites et la nation».
Par ailleurs, celui qui était considéré jadis comme l'homme le plus riche de Russie, »dit merci» à la prison.
»Ayant perdu mes biens et ma liberté extérieure, je suis parvenu à un niveau tout à fait nouveau de liberté intérieure, je suis devenu indépendant de tout, à l'exception de ma conscience et de mes convictions. Je considère que ma vie ne fait que commencer», déclare Mikhaïl Khodorkovski.
L'ancien homme d'affaires, condamné en mai à neuf ans de prison pour fraude fiscale, a annoncé le 31 août qu'il serait candidat à une élection législative partielle dans une circonscription de Moscou. La Constitution russe l'autorise à se présenter.
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Tageblatt, 10.09.2005)