'ai obtenu l'autorisation, je vais pouvoir lui rendre visite dès demain." Habillée de noir et de blanc, les cheveux tenus par de petites barrettes, Marina Khodorkovskaïa, la mère de Mikhaïl Khodorkovski, le magnat du pétrole jugé pour escroquerie et fraude fiscale, entend continuer à voir son fils, détenu depuis vingt mois dans une prison moscovite. Depuis le début du procès, elle le voit tous les jours au tribunal derrière les barreaux de la cage où lui et son ex-associé, Platon Lebedev, font face aux juges. Le président Poutine les grâciera-t-il un jour ? "C'est le tsar qui décide !", lâche Viktor Lebedev, frère de Platon.
Les audiences sont devenues une histoire de famille où épouses, parents et collègues se font passer petits mots et bonbons. Mikhaïl Khodorkovski parcourt la salle du regard. "Et ta santé ?", lui murmure sa mère. "Ça va", mime le fils. Son épouse, assise au plus près de lui, lui envoie un baiser furtif.
Par précaution, les manifestants qui protestaient à l'extérieur du tribunal ont été refoulés à quelques centaines de mètres. Quelques jours après l'ouverture du procès, des camions et des marteaux-piqueurs ont débarqué dans le périmètre, faisant un bruit tel que la lecture monocorde des 1 000 pages du verdict était à peine audible.
La sentence vient de tomber. Le public quitte la salle. La rue Kalantchovskaïa est bloquée. Sur le trottoir de gauche, les anti-Khodorkovski, sur celui de droite, les pro-Khodorkovski. Les premiers ignorent parfois pourquoi ils sont là. Certains ont reconnu avoir été appelés pour faire de la figuration. Les seconds, issus des partis libéraux et des organisations de défense des droits de l'homme, agitent ballons et drapeaux. "C'est un avertissement pour les autres entrepreneurs" , résume Georgui Nourmarov, 21 ans, dont l'école a été un temps sponsorisée par la fondation Khodorkovski.
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Le Monde, 1.6.2005)