16.12.04
Mercredi 15 décembre, Ioukos, l’une des plus grandes compagnies pétrolières russes, a demandé à être placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites. L’entreprise fondée par Mikhaïl Khodorkovski s’est adressée à un tribunal de Houston, dans l’Etat du Texas, où la compagnie dispose de bureaux. Sous la pression du Kremlin, motivé par des raisons politiques, le fisc russe réclame environ 27 milliards de dollars d’arriérés d’impôts à Ioukos, qui est menacée d’un démembrement imminent de ses principaux actifs.
Le quotidien russe Kommersant rapporte un extrait de la déclaration officielle de Ioukos, qui "demande au tribunal de Houston de procéder à une audition extraordinaire pour qu’il s’oppose à la vente aux enchères de sa filiale principale, Iouganskneftgaz, prévue le 19 décembre 2004 en Russie. Si cette vente avait lieu, cela porterait un préjudice irréparable à la société mère". Le repreneur le plus probable de Iouganskneftgaz, qui représente 60 % de la valeur de Ioukos, n’est autre que le monopole gazier russe Gazprom, qui dépend largement du Kremlin, et qui espère ainsi étoffer sa filière pétrolière à bon compte.
D’après le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, auquel se réfère Ioukos, un moratoire sur le remboursement des dettes de la compagnie doit se mettre en place. "Cependant, dans la pratique, cette procédure ne s’applique qu’aux avoirs se trouvant dans l’Etat du Texas, remarque Kommersant. Le fait est que n’importe quelle décision d’un tribunal d’Etat américain n’a aucune valeur juridique en Russie, dans la mesure où il n’y a aucun accord de reconnaissance mutuelle en la matière entre la Russie et Etats-Unis".
Reste que "la décision d’un tribunal américain peut avoir une influence sur les banques occidentales [dont JP Morgan, Deutsche Bank et BNP Paribas], qui sont prêtes à avancer des crédits à Gazprom en vue du rachat de Iouganskneftgaz. Toutes ces banques ont des filiales aux Etats-Unis", assure Viktor Guerachenko, le président du conseil d’administration de Ioukos, cité par Kommersant.
Au Texas, le Houston Chronicle constate que "les intrigues politiques russes ont ébranlé le marché pétrolier mondial durant toute l’année avant que ce bras de fer entre le Kremlin et le géant de l’énergie Ioukos échoue devant un tribunal des faillites à Houston". Le quotidien texan rappelle que cette initiative de la compagnie russe Ioukos est survenue juste après une décision prise le même jour par un tribunal d’instance de Moscou qui "ouvre la voie à la saisie d’autres avoirs de Ioukos par le gouvernement russe", notamment Samaraneft et Tomskneft.
Et le Houston Chronicle de conclure : "Dans la plupart des pays occidentaux, la campagne du Kremlin contre Ioukos et ses actionnaires, dont l’ex-PDG Mikhaïl Khodorkovski, qui est emprisonné depuis quatorze mois en Russie pour fraude et évasion fiscales, est perçue comme une tentative de punir Khodorkovski pour ses ambitions politiques et le financement de partis d’opposition."
( Courrier International, 16.12.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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