15.12.04
par Dimitri Jdannikov
La compagnie pétrolière russe Ioukos a annoncé mercredi avoir déposé son bilan devant un tribunal américain et demandé à la justice des Etats-Unis d'arrêter la procédure de mise en vente par l'Etat russe de sa principale filiale de production Iouganskneftegaz.
Ioukos estime relever de la loi américaine sur les faillites dans la mesure où le groupe russe a d'importantes affaires au Texas et que son directeur financier, Bruce Misamore, est désormais basé à Houston.
Le géant pétrolier a demandé à une magistrate américaine en charge des faillites de bloquer la vente aux enchères programmée pour dimanche.
"Nous sommes ici pour faire en sorte que la scission dimanche de 60% de notre entité soit stoppée", a déclaré Zack Clement, avocat de Ioukos, à la juge Letitia Clark au cours d'une audience exceptionnelle.
Les autorités russes ont décidé de mettre en vente au plus offrant le 19 décembre la principale filiale de production de Ioukos, Iouganskneftegaz, dans le but de récupérer des arriérés fiscaux que devrait Ioukos. La demande du fisc s'élève actuellement à 27,5 milliards de dollars, selon le dossier déposé par Ioukos auprès de la justice américaine.
La mise à prix de Iougansk, qui extrait 60% des 1,7 million de barils produits chaque jour par Ioukos, a été fixée à 9,0 milliards de dollars.
Le but poursuivi par Ioukos est d'obtenir la protection de la loi américaine sur les faillites vis-à-vis de ses créanciers et de demander au tribunal des faillites du district sud du Texas, division de Houston, une audience en référé pour obtenir l'arrêt de la procédure de mise en vente de Iougansk.
La compagnie pétrolière veut aussi que le tribunal texan ordonne à la Russie d'avoir recours à l'arbitrage pour traiter sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi dans le cadre d'une "campagne sans précédent" de demandes d'arriérés d'impôts "illégales, discriminatoires et disproportionnées", selon les termes employés par le communiqué. Ioukos demande plusieurs milliards de dollars de dommages et intérêts.
SUSPENSION DES COTATIONS EN ROUBLES
Ce recours inattendu et qui apparaît comme celui de la dernière chance a provoqué une nouvelle chute du cours de Bourse de Ioukos. Les cotations en roubles ont alors été suspendues sur le Micex pour une heure à partir de 10h45 GMT. Le titre cotait à ce moment-là 20,6 roubles, soit une baisse de 12,93% par rapport à son cours de clôture de mardi.
Sur le système RTS en dollars, où les transactions se poursuivaient, Ioukos perdait en fin de journée près de 10% à 73 cents.
Le groupe, qui "pesait" encore 40 milliards de dollars en Bourse l'an dernier, ne vaut plus aujourd'hui que moins de deux milliards de dollars.
"Les mesures que nous avons prises aujourd'hui sont celles de la dernière chance pour préserver les droits de nos actionnaires, de nos salariés et de nos clients", a déclaré le directeur général Steven Theede dans le communiqué du groupe.
"C'est malheureusement, semble-t-il, le dernier recours qu'il nous restait", poursuit-il.
Theede estime que les autorités russes veulent recourir sans le dire à une expropriation "façon 21ème siècle.
L'offensive fiscale sur Ioukos est largement considérée comme une campagne orchestrée par le Kremlin pour sanctionner les visées politiques du principal actionnaire de la compagnie pétrolière, Mikhaïl Khodorkovski, lui-même actuellement en prison et jugé pour fraude fiscale.
L'ex-oligarque a plusieurs fois offert de s'acquitter progressivement de ses arriérés d'impôt et de céder ses actions à l'Etat pour éviter la faillite de ce qui est le principal exportateur russe de pétrole et de protéger le droit des actionnaires minoritaires. Ces derniers détiennent 25% du capital de Ioukos.
Mais le gouvernement a décidé au contraire de céder Iougansk dans le but, disent les observateurs, d'aider la Russie à récupérer le contrôle de ses richesses pétrolières, perdu à la faveur d'un processus de privatisations mal contrôlé des années 90.
Le monopole public gazier Gazprom est considéré comme favori pour remporter l'adjudication de Iougansk. Le groupe public a d'ailleurs commencé sans attendre à procéder à une demande de crédit syndiqué, qui serait la plus large jamais organisée en Russie, autour des banques internationales ABN Amro, BNP Paribas, Calyon, Deutsche Bank, Dresdner Kleinwort et J.P. Morgan.
( Reuters, 15.12.2004)
Derniers développements
|
L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
|
|