1.11.04
par Richard Ayton
MOSCOU - Le fisc russe a réclamé lundi à Ioukos et Iouganskneftegaz, sa principale filiale de production, dix milliards de dollars supplémentaires d'arriérés d'impôts, ce qui porte à environ 14 milliards de dollars les sommes réclamées par l'Etat au géant pétrolier.
Ces nouvelles exigences ont été communiquées à Ioukos alors même qu'un tribunal décidait le maintien en détention de son ancien patron Mikhaïl Khodorkovski, qui en est toujours le premier actionnaire, incarcéré il y a plus d'un an pour fraude et évasion fisaclae.
Le groupe pétrolier devra s'acquitter d'au moins 193 milliards de roubles (6,7 milliards de dollars) d'arriérés d'impôts au titre de 2002, qui s'ajouteront à un total d'environ quatre milliards qu'il doit encore au fisc sur 2000 et 2001, a précisé à Reuters une source informée de la situation fiscale de Ioukos.
Ioukos a par ailleurs confirmé qu'il avait été demandé à Iouganskneftegaz, qui produit un million de barils de pétrole par jour, soit 62% de la production totale du groupe, de s'acquitter de 3,4 milliards de dollars d'arriérés, ce qui réduira d'autant la valeur de cette entreprise si, comme c'est envisagé, elle est vendue pour couvrir le passif fiscal du groupe.
A la suite d'un audit, le fisc russe a réclamé à Iougansk 67,5 milliards de roubles au titre de 2001 et augmenté à 29,6 milliards de roubles les sommes réclamées au titre de 2002.
"Nous considérons que nous avons agi dans les limites de la loi et nous ferons usage de toutes les possibilités pour contester devant les tribunaux les demandes adressées à Iouganskneftegaz", a déclaré un porte-parole de Ioukos.
L'action en roubles du groupe pétrolier a terminé lundi sur un recul de 11,81%, à 108 roubles, tandis que le titre en dollars abandonnait 4,31%, à 4,0 dollars.
VALORISATION CONTESTEE DE IOUGANSK
Des analystes estiment que Iougansk pourrait passer sous le contrôle de l'Etat ou d'une entreprise ayant les faveurs de Moscou comme le monopole gazier Gazprom pour un montant qui pourrait ne pas dépasser quatre milliards de dollars.
Les huissiers de justice ont promis de mettre Iougansk en vente pour financer le remboursement des dettes fiscales de Ioukos, retenant pour cela un prix de seulement 10,4 milliards de dollars. Ce chiffre avait été mentionné par la firme Dresdner Kleinwort Wasserstein, qui a été chargée d'une estimation de l'entreprise mais qui avait alors précisé qu'il s'agissait d'une estimation basse.
DKW avait plutôt estimé la valeur intrinsèque de la filiale de Ioukos entre 15,7 milliards et 18,3 milliards, alors que, selon certaines sources, JP Morgan, qui a été engagée pour sa part par le groupe pétrolier, aurait retenu une fourchette de 16 milliards à 22 milliards de dollars.
Bon nombre d'observateurs s'affirment convaincus qu'en privant Ioukos de son principal actif, le Kremlin vise avant tout à déruire l'empire économique constitué par Khodorkovski, qui n'a jamais caché ses ambitions politiques.
La détention de ce dernier vient d'être prolongée par une décision de justice jusqu'au 14 février.
"Chacun sait que je ne vais nulle part et que je n'ai pas l'intention d'exercer de pressions sur des témoins", avait-il déclaré, en vain, au tribunal.
Et Khodorkovski d'affirmer: "La véritable raison de mon maintien en détention est que, si j'étais libéré, la destruction de l'une des plus grosses entreprises de Russsie serait plus difficile."
"Cela fait longtemps que j'ai renoncé à ce qui m'appartenait et que j'ai offert mes actions pour régler la dette fiscale, qui a été calculée de façon illégale, afin d'essayer d'alléger les pressions exercées sur les dirigeants de la compagnie", avait-il poursuivi.
Les administrateurs de Ioukos aient envisagé de protéger l'entreprise en la déclarant en faillite mais, selon un actionnaire cité par l'agence Interfax, les nouvelles exigences du fisc ne devraient pas précipiter une telle démarche.
(Lu dans Libération, 1.11.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
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il a été condamné à l'issue d'un
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certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
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"le procès du siècle".
L'Observatrice
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