22.10.04
Selon une étude internationale, les juges russes subissent de plus en plus l'influence du Kremlin et perdent leur indépendance.
- 80 % des experts interrogés pensent que l'administration Poutine exerce une influence sur le cours de la justice et des pressions sur les juges.
Les autorités judiciaires russes sont de plus en plus soumises au Kremlin et correspondent de moins en moins aux normes internationales en matière d'indépendance des juges.
Ce sont là les conclusions du rapport publié jeudi par le centre d'études britannique Russian Axis à Londres.
Ce rapport, intitulé "Judicial authorities in Russia: a systemic crisis of independence" (Autorités judiciaires en Russie : une crise systématique d'indépendance), analyse les modèles réels et non nominaux de la prise de décisions judiciaires et des mécanismes de manipulation des juges.
A cet effet, un sondage a été réalisé par téléphone auprès d'experts représentant les personnes qui travaillent pour les pouvoirs exécutifs, les organes judiciaires, dans la profession juridique et pour les organismes de protection de la loi, tant en Russie qu'à l'étranger.
Menée entre les mois d'août et de septembre derniers, l'étude a fait intervenir 102 experts sur des questions juridiques, dont 52 travaillaient en Russie et 50 représentaient des organisations étrangères.
La méthode d'interview de sujets détaillée des représentants de la communauté des magistrats (tant ouverte qu'anonyme) a été utilisée pour cette étude, et des extraits de ces interviews figurent dans le rapport.
Pratiquement un expert sur deux (45 %) pense que les magistrats russes sont devenus de plus en plus dépendants vis-à-vis des pouvoirs exécutifs depuis l'année dernière et seuls 12 % sont d'avis contraire, à savoir qu'ils pensent que les juges sont devenus plus indépendants.
41 % des personnes interrogées pensent que la situation n'a connu aucun changement en ce qui concerne n'indépendance des juges.
On est en droit de supposer que l'avis des experts a été affecté par la situation liée à l'affaire YUKOS et à son ancien patron, M. Mikhail Khodorkovsky.
L'écrasante majorité des experts (82 %) pense, par exemple, que les affaires pénales liées aux grands entrepreneurs pétroliers et aux politiciens sont instruites sous l'influence des pouvoirs exécutifs et des services de répression.
En deuxième place (76 %) viennent les affaires concernant les appels de décisions prises par les autorités dans le domaine politique : résultats électoraux, amendements de la législation en matière de système politique, etc. Les pouvoirs exécutifs et les services de répression interviennent le moins souvent dans les affaires liées aux litiges économiques entre les petites et moyennes entreprises.
Les experts sont d'avis que le plus grand impact sur les décisions judiciaires émane de l'Administration du Président de Russie (80 %). En deuxième place (65 %) viennent les gouverneurs régionaux (à ce sujet, il convient de noter que les experts ont été interrogés pour la majorité interrogés avant que Vladimir Poutine décide d'abolir l'élection publique des responsables des régions de la Fédération russe).
Viennent ensuite le Bureau du procureur public (49 %) et le FSB (47 %). Les mass médias russes (14 %) et les partis politiques sont les deux entités qui exerceraient le moins d'influence.
Les instruments le plus souvent mis en oeuvre par les pouvoirs exécutifs afin d'influencer et de faire pression sur les juges sont les suivants :
- Obtention de garanties de loyauté politique et personnelle des juges lors de leur nomination.
Pour les responsables des principaux tribunaux, coopération confidentielle avec le Kremlin ou les services spéciaux (6 sur une échelle de 10) ;
- Lien entre la loyauté politique et un "comportement acceptable" des juges et les décisions concernant leur promotion (6 sur une échelle de 10) ;
- Lien entre la loyauté politique et un "comportement acceptable" des juges et les garanties et les privilèges sociaux des juges (6 sur une échelle de 10) ;
- Menaces de renvoi et de radiation pour les juges déloyaux par une administration ou une instance supérieure loyale, avec des conséquences pour les statistiques concernant les jugements annulés (8 sur une échelle de 10).
La dernière évaluation a été faite par les experts avant la publication de l'initiative du président de la chambre haute du parlement russe, M. Sergei Mironov, visant à modifier les principes de création de comités d'homologation des juges qui, en vertu de la loi russe, ont le droit de donner leur permission pour que des procédures pénales soient entamées à l'encontre de juges en vue de les radier.
M. Mironov a proposé de priver les magistrats de la majorité des sièges dans ces comités et de confier le contrôle de ces derniers à des "représentants du public" élus sur proposition du Président de la Fédération.
La majorité des experts convient que la situation qui prévaut aujourd'hui dans le système judiciaire russe signifie que les magistrats russes ne respectent plus les normes internationales pour les principes clés de procédure.
14 % des experts pensent que les pouvoirs judiciaires en Russie ne respectent pas du tout les conventions internationales ; 61 % qu'ils ne les respectent pas dans l'ensemble ; et 21 % qu'ils les respectent dans l'ensemble.
Seuls 2 % pensent qu'ils les respectent "intégralement".
Notes aux rédacteurs :
Basé à Londres, le centre d'information et d'analyse Russian Axis est une organisation non gouvernementale indépendante britannique qui propose aux experts occidentaux de la Russie (journalistes, analystes, chercheurs, etc.) des analyses objectives reposant sur des sources russes et un accès à des informations originales.
Pour visualiser ces rapports ainsi que celui qui fait l'objet du présent communiqué de presse et pour obtenir des informations plus précises sur les activités de Russian Axis, consultez le site Web : www.russianaxis.org
Russian Axis Ltd
(Lu dans Yahoo! Finance, 21.10.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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