24.10.04
MOSCOU (AFP) - Le 25 octobre 2003 le milliardaire Mikhaïl Khodorkovski, patron et principal propriétaire du numéro un du pétrole russe Ioukos, était arrêté par les services spéciaux. Un an plus tard, l'Etat est en train de redistribuer les cartes dans le secteur énergétique.
Et la vaste campagne judiciaire contre Ioukos devrait bientôt aboutir à la liquidation du géant pétrolier.
Pour Andrew Neff, analyste du Centre de recherche sur les marchés mondiaux (WMRC), en quelques mois, l'affaire Ioukos a changé de nature: "D'une punition infligée à Mikhaïl Khodorkovski, l'ex-Pdg de Ioukos et son principal actionnaire, pour son activité politique et l'évasion fiscale, elle est devenue une campagne menée par l'administration présidentielle pour renforcer le rôle de l'Etat et son contrôle sur le secteur énergétique russe", souligne-t-il dans une note de recherche.
Il y a un an, Ioukos mettait la dernière touche à sa fusion avec Sibneft qui devait déboucher sur la création du quatrième géant pétrolier mondial. Ce projet est a présent enterré et les jours de Ioukos sont comptés.
"Il n'y a plus de doute que les organisateurs de l'affaire Ioukos veulent vendre une part de contrôle de Iouganskneftegaz", sa principale filiale "pour la somme dérisoire de 3 à 4 milliards de dollars", ce qui équivaut "à une nationalisation de ses actifs", note Christopher Granville, analyste de sa société d'investissement UFG.
Les autorités russes ont annoncé qu'elles allaient mettre aux enchères le mois prochain l'essentiel de Iouganskneftegaz, qui produit 62% du brut de Ioukos, pour rembourser ce qui reste de la dette fiscale du groupe pour 2000 et 2001.
Et comme le fisc examine actuellement les comptes du groupe pour 2002 et 2003, de nouveaux redressements fiscaux pourraient justifier la vente du reste des actifs du groupe.
Ailleurs, les signes d'une reprise en main du secteur pétrolier russe par le Kremlin n'ont cessé de se multiplier:
Igor Setchine, un proche de Vladimir Poutine, réputé avoir travaillé comme lui dans les services secrets, a été désigné fin juillet à la tête du groupe pétrolier public Rosneft.
Mi-septembre, le géant gazier Gazprom, dont le conseil d'administration est présidé par le chef de l'administration présidentielle Dmitri Medvedev, annonce qu'il se lance dans le pétrole. Gazprom va créer avant la fin de l'année une filiale pétrolière, Gazpromneft, qui englobera Rosneft et pourrait bien acquérir à bon compte des actifs de Ioukos.
La création d'un colosse public destiné à rétablir le contrôle de l'Etat sur le pétrole russe se dessine.
Parallèlement la mainmise du Kremlin sur les sociétés gestionnaires des oléoducs, et donc des exportations de brut, se renforce.
Désormais plus rien ne se décidera dans le secteur pétrolier sans l'accord du Kremlin. "Le critère non officiel -- mais important -- pour la stabilité d'une compagnie est sa loyauté envers le gouvernement", a reconnu Alexeï Koudrine, le ministre des Finances dans une interview cette semaine.
Les groupes étrangers, dont l'intérêt pour le pétrole russe ne se dément pas, ont intégré les nouvelles règles du jeu: ils ne prétendent plus racheter une compagnie russe mais acceptent d'investir tout en gardant une place minoritaire.
Ainsi, la major américaine ConocoPhillips (NYSE: COP - actualité) a acquis 7,6% du deuxième producteur russe de pétrole, Loukoïl, fin septembre avec la bénédiction du Kremlin.
"Poutine a clairement dit qu'il voulait internationaliser la Russie" en vue de son entrée à l'Organisation mondiale du Commerce et au G8, note Christopher Weafer, analyste pour Alfa Bank. Et du point du vue du Kremlin ces groupes étrangers sont bienvenus s'ils acceptent un "partenariat" avec le pouvoir pour aider les groupes russes à devenir plus compétitifs, souligne-t-il.
(Lu dans Yahoo! Finance, 24.10.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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