4.11.04
Le PDG va demander à ses actionnaires de la prononcer d'ici à fin décembre.
Par Lorraine MILLOT
«Nous ne pouvons pas continuer comme ça très longtemps», «Notre situation n'est plus tenable» : traits tirés et voix très lasse, le PDG américain de Ioukos, Steven Theede, a confié hier que la faillite du premier pétrolier russe devra être bientôt envisagée. Les actionnaires de Ioukos se prononceront le 20 décembre sur la question de la mise en faillite du groupe, a précisé Theede, qui n'exclut pas que la direction du groupe, écrasé sous les redressements fiscaux ordonnés par le Kremlin, déclare même la faillite avant cette date.
Démolition. Le fisc russe vient de présenter une nouvelle facture de 6,7 milliards de dollars pour le seul exercice 2002, qui s'ajoute aux 7,5 milliards de dollars déjà réclamés pour les années 2000 et 2001, a indiqué hier Theede, soulignant combien ces prétentions seraient «risibles», s'il n'y allait de la démolition même du premier groupe pétrolier du pays. Pour l'exercice 2002, les prétentions additionnées du fisc russe équivalent maintenant... au chiffre d'affaires du groupe cette année-là, a calculé son PDG : en 2002, Ioukos avait en effet dégagé un chiffre d'affaires de 11,4 milliards de dollars. 3,8 milliards d'impôts ont déjà été payés. Si on y ajoute les 6,7 milliards maintenant réclamés, plus 1 milliard demandé à sa principale filiale Iouganskneftegaz, le total excède de fait les revenus de la firme.
S'il se confirme ainsi que le Kremlin est bien décidé à abattre Ioukos, les formes de la mise à mort faillite ou découpage par tronçons ne sont pourtant pas encore tout à fait claires. «Le dépôt de bilan aurait l'avantage pour Ioukos de geler la vente des actifs (la justice russe a déjà annoncé la vente prochaine de Iouganskneftegaz, ndlr) et empêcherait de vendre la compagnie pour une bouchée de pain», explique Andrei Rochkov, analyste à la société russe d'investissement Capital. Pour cette raison même, il n'est pas sûr toutefois que le Kremlin, qui orchestre les coups contre Ioukos depuis plus d'un an et a fait emprisonner son ancien patron Mikhaïl Khodorkovski, autorise cette faillite. «Les gens qui dirigent les attaques contre Ioukos sont assez puissants pour empêcher sa faillite, poursuit l'analyste de Capital. La tactique menée jusqu'à présent, qui consiste à affaiblir la compagnie tout en faisant durer l'affaire, semble bien pensée. Au final, il est clair qu'ils récupéreront tout Ioukos, et d'ici là ils peuvent pomper ses bénéfices.»
Tribunaux. La faillite de Ioukos devrait être approuvée par la justice «et, vu le peu de succès de Ioukos devant les tribunaux russes, il y a de grandes chances qu'elle soit rejetée», estime aussi la société d'investissement Aton. Dans ce cas, les dirigeants de Ioukos pourraient même encourir de nouvelles poursuites pour «faillite délibérée». «Il y a ce risque, soupirait hier Steven Theede, le patron américain, qui, il y a quelques mois, disait encore espérer sauver Ioukos. C'est bien pour cela que nous avons été si prudents jusqu'à présent.»
(Lu dans Libération, le 4.11.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
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de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
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M. Khodorkovsky durant son procès
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fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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