1.11.04
Pour des analystes de Moscou, la démarche ne vise pas seulement à "punir" Mikhaïl Khodorkovski, à qui il est reproché également d'avoir eu des ambitions politiques, mais aussi à prendre le contrôle des hydrocarbures russes.
Le fisc russe a porté, lundi 1er novembre, un nouveau coup - qui pourrait être un coup de grâce - à Ioukos, faisant plus que doubler la somme d'arriérés d'impôts réclamés au groupe pétrolier déjà au bord de la faillite et à sa principale filiale de production Iouganskneftegaz.
Les services fiscaux ont remis à Ioukos et à sa filiale de nouvelles réclamations s'élevant au total à 10 milliards de dollars (7,8 milliards d'euros), selon des informations d'Interfax et d'une source au sein du groupe pétrolier.
Cette somme représente plus que la capitalisation boursière actuelle du groupe, qui est inférieure à 9 milliards de dollars (7 milliards d'euros), presque quatre fois moins qu'il y a un an et demi, avant le début de l'offensive judiciaire contre Ioukos et son patron, Mikhaïl Khodorkovski.
Celui-ci, en prison depuis un an, a vu sa détention prolongée lundi de trois mois, jusqu'au 14 février. "Si j'étais libre, il deviendrait plus difficile de se livrer publiquement à une telle destruction, dangereuse, d'une grande entreprise", a déclaré M. Khodorkovski dans la salle du tribunal de Moscou où se poursuit son procès depuis plusieurs mois.
LE FISC RÉCLAME 7,8 MILLIARDS D'EUROS
Le fisc a d'une part réclamé lundi à Ioukos des arriérés d'impôts pour 2002 de 193 milliards de roubles, soit environ 6,7 milliards de dollars (5,2 milliards d'euros), selon Interfax qui citait des sources au sein des services fiscaux.
Il s'agit du résultat d'un contrôle fiscal que le géant pétrolier peut théoriquement encore contester en justice, mais le groupe a toujours été débouté précédemment.
Le numéro un du pétrole russe, cible d'une campagne considérée comme inspirée en haut lieu, est déjà en train de rembourser une dette fiscale de 7,5 milliards de dollars (5,8 milliards d'euros) pour les années 2000 et 2001. Si les exigences du fisc sont confirmées, sa dette s'élèvera au total à plus de 14 milliards de dollars (10,9 milliards d'euros), 3,5 milliards de dollars ayant déjà été remboursés.
Par ailleurs, une source au sein de Ioukos a indiqué lundi à l'AFP que la principale filiale productrice du groupe, Iouganskneftegaz, avait reçu elle aussi un avis qui établit les prétentions du fisc pour 2001 à 67,7 milliards de roubles, soit 2,3 milliards de dollars (1,8 milliard d'euros), et un autre, pour 2002, qui s'élève à 29,6 milliards de roubles, soit un peu plus de 1 milliard de dollars (784 millions d'euros).
Ainsi, les nouvelles réclamations du fisc annoncées lundi s'élèvent au total à 10 milliards de dollars (7,8 milliards d'euros).
C'est, à quelques centaines de millions près, le prix (10,4 milliards de dollars ; 8,1 milliards d'euros) auquel le ministère de la justice a estimé à la mi-octobre Iouganskneftegaz, le "joyau" de Ioukos, qui garantit à lui seul les deux tiers de sa production et que les autorités ont décidé de mettre en vente pour recouvrer la dette due au fisc.
LE KREMLIN PREND LE CONTRÔLE
Cette estimation est nettement inférieure à l'évaluation globale faite par la Dresdner Kleinwort Wasserstein (DKW), la banque mandatée par les autorités russes, qui se situe entre 14 et 20 milliards de dollars (entre 10,9 et 15,6 milliards d'euros).
Mais, selon des fuites parues dans la presse russe, les autorités pourraient accorder en plus une réduction de 60 % à l'acquéreur de Iouganskneftegaz pour compenser les "risques" encourus en raison du maintien d'une part minoritaire appartenant à l'Etat.
A l'arrivée, l'actif le plus juteux de Ioukos pourrait être mis aux enchères à un prix de départ d'environ 4 milliards de dollars, quelque 3,1 milliards d'euros.
Pour des analystes de Moscou, la démarche ne vise pas seulement à "punir" Mikhaïl Khodorkovski, à qui il est reproché également d'avoir eu des ambitions politiques, mais aussi à prendre le contrôle des hydrocarbures russes.
Des déclarations faites la semaine dernière par un conseiller du Kremlin, Igor Chouvalov, semblent s'inscrire dans cette optique : l'affaire Ioukos n'est "qu'un début", a prévenu M. Chouvalov lors d'une conférence à Moscou.
(Lu dans Le Monde, 1.11.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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