2.11.04
Par Elif Kaban
MOSCOU (Reuters) - L'action Ioukos en dollars a plongé de 18% mardi, les perspectives du groupe pétrolier s'assombrissant encore après la réclamation au groupe par le fisc russe de dix milliards de dollars de nouveaux arriérés d'impôts.
"L'idée générale apparaît plus clairement que jamais: Ioukos ne vaut plus rien à moins que (son principal actionnaire) Menatep ne se retire", analyse le courtier moscovite United Financial Group.
"Le scénario 'valeur zéro' est tout à fait prévisible désormais", renchérit Steven Dashevsky, analyste pétrolier chez Aton brokerage.
Une source au fait de la situation fiscale de Ioukos a déclaré lundi soir à Reuters que le fisc russe réclamait des arriérés d'impôts de 193 milliards de roubles (6,7 milliards de dollars) au titre de 2002. Cela s'ajoute aux quelques 7,5 milliards de dollars pour 2000 et 2001 - dont Ioukos dit avoir payé 3,5 milliards.
Ioukos a aussi confirmé que sa principale filiale de production Iougansk, qui extrait un million de barils de pétrole par jour, soit 62% de la production totale du groupe, avait reçu un rappel d'impôt de 3,4 milliards de dollars. Cela réduira d'autant la valeur de Iougansk si elle est vendue pour couvrir le passif fiscal de Ioukos.
Plus précisément, le fisc russe réclame à Iougansk 67,5 milliards de roubles (2,4 milliards de dollars) pour 2001 et porte à 29,6 milliards de roubles (1 milliard de dollars) les arriérés de 2002.
En dépit de toutes ses difficultés, la production pétrolière de Ioukos résiste. Selon les données du ministère de l'Energie publiées mardi, la production s'est simplement tassée à 1,73 million de barils par jour en octobre contre 1,74 million en septembre. Ioukos produit un cinquième du pétrole russe et 2% de la production mondiale.
LA VENTE D'AUTRES FILIALES DE PLUS EN PLUS PROBABLE
L'action en dollars, largement détenue par des investisseurs étrangers, ne vaut plus que 3,28 dollars mardi en clôture. Sur le Micex, le titre en rouble a chuté de 12,26% à 93 roubles, en dessous du seuil psychologique des 100 roubles (3,48 dollars).
"Cette énorme facture fiscale signifie que la vente d'autres filiales de Ioukos semble de plus en plus probable. S'il y a de nouveaux arriérés d'impôts, les autres filiales de Ioukos seront directement touchées", estime Dashevsky du courtier Aton.
Il anticipe des cessions d'actifs au sein des filiales Tomskneft et Samaraneftegaz.
Pour les analystes, les nouvelles réclamations du fisc auprès de Iougansk semblent préparer des enchères publiques sur ses actifs dont la date officielle reste à annoncer.
Le marché s'attend maintenant que le gouvernement fasse en sorte que ses dernières réclamations soit considérées comme dues et payables par décision de justice avant toute vente.
"Cela garantira que même après la vente de Iougansk (...), il restera des arriérés non payés sur la base desquels les actifs et les comptes bancaires de Ioukos demeureront gelés", écrit United Financial Brokerage dans une analyse.
CONTESTATION EN JUSTICE DE IOUKOS
Selon l'agence de presse Interfax, la cour d'arbitrage de Moscou entendra le 16 novembre la contestation de Ioukos des 50,76 milliards de roubles d'arriérés d'impôts et 28,5 milliards de roubles de pénalités réclamés au titre de 2001.
Les analystes s'attendent à ce que les objections de Ioukos soient rejetées.
Les huissiers comptent vendre Iougansk pour financer le remboursement des dettes fiscales de Ioukos en retenant l'estimation la plus base - 10,4 milliards de dollars. C'est celle contenue dans le rapport d'évaluation de la banque d'affaires Dresdner Kleinwort Wasserstein, mais elle est considérée comme étant particulièrement prudente.
"On n'y voit pas très clair, car tout est dicté par la politique", constate Ron Smith, du courtier Renaissance Capital à Moscou.
"Le fisc ne cesse de relever la barre. Mon scénario le plus noir était un rappel de 15 à 16 milliards de dollars, mais on en est déjà à 17,6 milliards. Rien n'a encore été annoncé pour 2003 et il risque d'y avoir aussi des demandes pour 2004", ajoute-t-il.
Selon bon nombre d'observateurs, en privant Ioukos de son principal actif, le Kremlin vise avant tout à détruire l'empire économique constitué par son ancien patron Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné depuis plus d'un an pour escroquerie et évasion fiscale.
La détention de Khodorkovski, qui n'a jamais caché ses ambitions politiques, a été prolongée de trois mois jusqu'au 14 février 2005 par décision de justice. Le procureur a ajourné mardi son procès jusqu'au 9 novembre, a-t-on appris de sources judiciaires.
(Lu dans Yahoo ! Finances, le 2.11.2004)
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
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de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
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actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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