28.4.05
Le verdict dans le procès de l'ex-patron du géant pétrolier russe Ioukos Mikhaïl Khodorkovski, qui était attendu ce mercredi, a été reporté au 16 mai sans raison officielle, une décision que les avocats de l'ancien oligarque ont décrit comme technique autant que politique. Au terme d'un procès de près de dix mois dont l'examen s'est terminé le 11 avril, la juge Irina Kolesnikova avait fixé au 27 avril la date du verdict. Mais les avocats de Mikhaïl Khodorkovski et de son associé Platon Lebedev, ancien président de la holding Menatep (premier actionnaire de Ioukos), ont en fait été prévenus, parfois réveillés, par des appels téléphoniques de journalistes russes et occidentaux les informant de ce qui était apparu le matin sur une des portes vitrées du tribunal Mechtchanski de Moscou: une simple feuille annonçant le report "au 16 mai à 12H00" du verdict. A l'intérieur, le bureau de la juge Kolesnikova était vide. Seul un aide du président du tribunal a pu confirmer à l'AFP que le verdict était effectivement reporté au 16 mai sans donner "plus de précisions". "Les juges ne viendront pas aujourd'hui", s'est-il contenté de dire. Devant le tribunal, les avocats russes et occidentaux des oligarques ont afflué rapidement, à quelques mètres des jeunes partisans de l'ancienne première fortune de Russie qui déployaient leurs banderoles appelant à la "libération de Khodorkovski".
L'avocat Anton Drel s'est avoué "peu surpris" par ce report. "En Russie, tout est possible", a-t-il déclaré en expliquant que "ce genre de pratique arrivait et que le tribunal n'a pas d'obligation de s'expliquer". Du coup, avocats et figures politiques de l'opposition en étaient réduits aux hypothèses. L'un des avocats étrangers, l'Américano-canadien Robert Amsterdam, a cru voir des "motivations politiques cyniques" derrière le report, tout en reconnaissant que "dix jours, après un procès de neuf mois, pour rédiger le verdict, c'est très court". Pour Irina Khakamada, du parti d'opposition libérale Notre Choix, "un jugement favorable ou relativement favorable à Khodorkovski avant le 9 mai aurait redoré l'image de la Russie auprès de la communauté internationale". Mme Khakamada a par ailleurs estimé qu'"il n'était pas certain que le Kremlin ait déjà une position arrêtée". "Deux groupes s'affrontent, le parquet et les tchékistes d'un côté pour une sanction sévère, les +libéraux+ de l'autre pour moins de sévérité", a-t-elle affirmé. Mikhaïl Khodorkovski attendait le coup de grâce dans son procès au terme d'une affaire de plus de deux ans qui avait révélé la volonté de Vladimir Poutine de mettre au pas le monde des affaires.
L'examen de son cas s'était terminé sur ses déclarations dénonçant un procès monté "de toutes pièces" par une "bureaucratie criminelle". Lui et son principal associé Platon Lebedev sont accusés notamment d'escroquerie et de fraude fiscale "à grande échelle et en groupe organisé". A 41 ans, l'ancien milliardaire risque jusqu'à 20 ans de prison. Il a cependant toutes les chances d'être condamné à une peine proche ou égale aux 10 ans requis par le procureur. Plusieurs quotidiens russes, dont les plus importants, Kommersant, Vedomosti Nezavissimaïa Gazeta et Komsomolskaïa Pravda, ont publié mercredi une lettre ouverte d'un autre actionnaire important de Ioukos, en exil en Israël, Leonid Nevzline, dans laquelle il appelle les juges à "trouver le courage d'agir selon leur conscience". Il y dresse un portrait élogieux du principal accusé et compare à plusieurs reprises son procès à ceux montés de toutes pièces dans la Russie de Staline des années 30 et aussi à celui de Danton, pendant la terreur révolutionnaire en France.
AFP via L' Echonet, 28.4.2005
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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