19.11.04
A la suite de l'annonce, vendredi 19 novembre, de la vente aux enchères de la première filiale de Ioukos le 19 décembre, qui donne le signal de départ du démantèlement du premier producteur russe de pétrole, le PDG de Ioukos a considéré la démarche comme "un mépris du gouvernement pour l'Etat de droit".
Le PDG de Ioukos, Steven Theede, a dénoncé, vendredi 19 novembre, "un vol organisé par le gouvernement à des fins politiques" dans un communiqué publié après l'annonce, ce même vendredi, de la vente de la principale filiale de production du groupe.
Le gouvernement russe a annoncé, vendredi 19 novembre, que l'adjudication de Iouganskneftegas, principale filiale de production du géant pétrolier Ioukos, débutera le 19 décembre avec une mise à prix de 246,8 milliards de roubles (6,6 milliards d'euros).
"C'est un jour triste pour la Russie et pour son peuple", a souligné M. Theede, estimant que cette démarche montrait "le mépris du gouvernement pour l'Etat de droit".
PLUS D'UN AN DE BRAS DE FER POLITICO-JUDICIAIRE
Cette décision scelle le démantèlement du groupe au centre d'un bras de fer politico-judiciaire depuis plus d'un an. Le prix de départ fixé pour les enchères s'inscrit dans le bas de la fourchette avancée par un audit indépendant, mais il est supérieur aux plus pessimistes des prévisions.
Les analystes soulignent que, s'il est inférieur aux 18,5 milliards de dollars (14,2 milliards d'euros) d'arriérés d'impôt que l'Etat russe souhaite récupérer auprès de Ioukos, Moscou pourra toujours vendre d'autres actifs du groupe à une date ultérieure pour rentrer dans ses fonds. Ils estiment aussi que Gazprom, le monopole public du gaz en Russie, fait figure de favori, bien que des société étrangères soient autorisées elles aussi à concourir, et qu'en cas d'échec de l'adjudication, Iougansk pourrait être purement et simplement nationalisé.
Le Fonds fédéral du patrimoine russe a indiqué, vendredi 19 novembre, qu'il vendrait l'ensemble des droits de vote dans Iougansk, correspondant à 76,79 % du capital, pour 246,8 milliards de roubles (6,6 milliards d'euros).
Selon l'annonce officielle de l'adjudication publiée sur le site Internet du journal officiel Rossiiskaia Gazeta, aucune limite ne sera imposée aux candidats étrangers désireux de participer aux enchères. "Aucune limite ne sera fixée pour la participation des particuliers et des entités juridiques, les étrangers compris", peut-on lire sur le site.
Pour participer à l'adjudication, les candidats devront s'acquitter d'une importante caution de 49,35 milliards de roubles (1,3 milliard d'euros), visiblement pour empêcher les propriétaires actuels de Ioukos d'essayer d'entraver la vente en y participant sans intention d'acheter, mais dans l'idée de faire monter les prix.
Iougansk, basée en Sibérie, produit plus d'un million de barils de pétrole par jour, soit 60 % de la production de Ioukos.
L'action Ioukos a ouvert en forte baisse de 9,5 % sur le marché Micex à la Bourse de Moscou. En fin de matinée, elle perdait encore 5,2 % à 81,44 roubles (2,1 milliards d'euros).
ADJUDICATION À LA VEILLE DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE IOUKOS
Nombre d'observateurs voient dans les démêlés du géant pétrolier avec le fisc russe une campagne orchestrée par le Kremlin pour punir les ambitions politiques du principal actionnaire du groupe, son ex-PDG, Mikhaïl Khodorkovski, actuellement jugé pour fraude et évasion fiscale.
L'adjudication d'Iougansk aura lieu la veille de l'assemblée des actionnaires de Ioukos, au cours de laquelle doivent être abordées la réorganisation du groupe et la question de son éventuel dépôt de bilan, voire sa liquidation.
"Nous considérons toujours que la vente aux enchères est illégale car Iougansk est notre principal actif, et parce qu'il est illégal de commencer à vendre des actifs stratégiques pour récupérer des impôts", a déclaré un porte-parole du groupe.
"Le prix de départ est ridiculement bas", a-t-il ajouté. Il juge aussi illégal le fait que l'annonce de l'adjudication ait été publiée sur le seul site Internet de la Rossiiskaya Gazeta, et non dans la version papier du journal.
Le prix de 8,65 milliards de dollars (6,6 milliards d'euros) est inférieur à l'estimation la plus basse de 10,4 milliards de dollars (7,9 milliards d'euros) effectuée par la banque d'affaires Dresdner Kleinwort Wasserstein à la demande du gouvernement russe. La banque avait toutefois conseillé au gouvernement de fixer la mise à prix dans une fourchette de 14 à 17 milliards de dollars (entre 10,7 et 13 milliards d'euros).
"Nous continuons de penser que c'est une entreprise russe qui part favorite pour les enchères, à savoir très probablement Gazprom, et que des actifs supplémentaires pourraient être cédés par la suite", commente Valery Nesterov, de la société de courtage Troika Dialog.
"Je m'attends à ce que personne ne fasse d'offre", estime de son côté Vadim Mitrochine de CSFB. "Aucune entreprise dans le monde ne voudrait se porter acquéreur d'une entité dont la dette fiscale reste floue. Il pourrait alors y avoir une autre adjudication avec un prix de départ plus faible", ajoute-t-il.
Après la prise en compte de nouveaux arriérés pour 2003, le fisc a envoyé un redressement fiscal au géant pétrolier russe de 169,94 milliards de roubles (soit 4,5 milliards d'euros) pour l'année 2003, a indiqué un porte-parole du groupe, Hugo Erikssen, vendredi 19 novembre.
En réaction, l'action en roubles de Ioukos aggrave sa chute : - 30,73 % ,à 59,50 roubles. La dette fiscale totale de Ioukos passe ainsi à 18,6 milliards d'euros. Sur ce montant, le groupe a pour l'instant remboursé 3 milliards d'euros.
Avec Reuters et AFP
Lu dans Le Monde, le 19.11.2004)
Derniers développements
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certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
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"le procès du siècle".
L'Observatrice
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