La justice russe a de nouveau refusé, mercredi 6 février, de libérer sous caution Vassili Alexanian, l'ancien vice-président du groupe pétrolier Ioukos, gravement malade et qui réclame un traitement urgent dans une clinique spécialisée. Le tribunal Simonovski de Moscou a décidé d'ajourner son procès en attendant qu'il soit soigné, mais l'a maintenu en détention, estimant que sa libération pourrait interférer avec la procédure judiciaire en cours. Accusé de détournement de fonds et de blanchiment d'argent dans le cadre de l'affaire Ioukos, Vassili Alexanian, 36 ans, en détention préventive depuis avril 2006, est atteint du sida, souffre d'un cancer et a contracté la tuberculose en prison. Malgré les demandes répétées de ses avocats, malgré les multiples injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, la justice russe lui refuse le droit aux soins.
"Les conclusions de la défense sur la nécessité de l'hospitaliser ne correspondent pas à la réalité", a estimé le 30 janvier la juge Irina Orechkina, chargée d'examiner sa requête en vue d'une hospitalisation. Deux semaines plus tôt, un procureur, au mépris du secret médical, avait annoncé publiquement que le prévenu avait le sida. Ancien chef du service juridique de la major pétrolière Ioukos, Vassili Alexanian nie les charges retenues contre lui. "Je suis innocent, il n'y a pas eu de crime, tout a été inventé", a-t-il clamé lors de l'audience du 30 janvier.
SOINS CONTRE TÉMOIGNAGE À CHARGE
Dénonçant l'acharnement de la justice russe, le jeune avocat a raconté comment il avait été placé dans une cellule humide et sale, aux murs recouverts de moisissures afin d'aggraver son mal. Dans une déclaration à la Cour suprême, il rapporte qu'en 2006 le juge d'instruction Salavat Karimov lui a proposé de le faire hospitaliser en échange de son témoignage à charge contre Mikhaïl Khodorkovski, l'ex-patron de Ioukos, emprisonné à la prison de Tchita, à la frontière avec la Chine.
Le procès Alexanian intervient alors que de nouvelles accusations sont en préparation contre les dirigeants de Ioukos. Condamné en 2005 à huit ans de réclusion pour fraude fiscale, Mikhaïl Khodorkovski, jadis l'homme le plus riche de Russie, va être jugé une deuxième fois. Accusé cette fois-ci de blanchiment d'argent, il risque 22 ans de prison. Le 30 janvier, il a entamé une grève de la faim en signe de solidarité avec son ancien vice-président.
L'affaire Alexanian suscite peu d'émoi en Russie. Des défenseurs des droits de l'homme ont écrit à l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, le priant d'intervenir auprès du Kremlin. Des militants du Front civique uni, le parti de l'ex-champion d'échecs Garry Kasparov, ont organisé des protestations de rue. Ces initiatives n'ont guère trouvé d'écho. Les médias officiels ont les yeux rivés sur le lancement de la campagne en vue de la présidentielle du 2 mars.
Les ONG russes qui suivent les détenus malades du sida (42 000 officiellement) en profitent pour dénoncer l'absence systématique de soins. Selon l'ONG Imena, dans la seule région de Saint-Pétersbourg, 100 détenus (sur 3 500) seulement reçoivent un traitement approprié.
Marie Jégo
Article paru dans l'édition du 06.02.08.
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