L'ancien PDG du géant pétrolier Ioukos risque une nouvelle condamnation à quatorze ans de colonie.Au dernier jour de son second procès, Mikhaïl Khodorkovski s'est livré à une violente critique du régime russe. Déjà condamné à huit ans de colonie pénitentiaire pour fraude fiscale, l'ancien PDG du géant pétrolier Ioukos risque une nouvelle condamnation, plus sévère, et se présente comme un prisonnier politique.
Derrière la vitre blindée du box, la sobriété de l'accusé, chemise et veste noires, fines lunettes sans monture, n'a d'égale que la virulence de ses propos. Rival maudit de Vladimir Poutine, il lui impute sans détour son arrestation et son emprisonnement à l'automne 2003: «On m'a informé que le président Poutine avait décidé de me faire bouffer de la kacha pendant huit ans.»
Sept ans de colonie sibérienne et des kilos de gruau plus tard, l'ancien magnat du pétrole refuse de revenir sur le fond de cette seconde affaire. «Personne ne s'attend sérieusement à ce que je plaide coupable», lance-t-il, balayant les charges colossales qui pèsent contre lui et son ancien associé, Platon Lebedev, accusés d'avoir détourné 200 millions de tonnes de pétrole entre 1996 et 2003, soit la quasi-totalité de la production de pétrole de Ioukos sur cette période. Le parquet a requis quatorze ans de colonie.
Testament politique
Dans l'attente du jugement, qui sera rendu le 15 décembre, Khodorkovski préfère «parler d'espoir» et faire de son dernier plaidoyer un testament politique. Car malgré «la honte pour cet État qui ment, torture, prend en otage», il garde «l'espoir que la Russie devienne un État de liberté et de droit (…), un État où les droits de l'homme ne dépendront plus de l'humeur du tsar, bonne ou mauvaise».
Entassées dans la petite salle d'audience, sa mère et quelques-unes des anciennes employées de Ioukos pleurent en silence. Il les regarde longuement, avant de défier le juge: «Je ne veux pas mourir en prison. Mais mes convictions valent que je risque ma vie. Dans ce tribunal se joue non seulement mon destin, mais celui de chaque citoyen de ce pays.» Les applaudissements fusent. «Svoboda!», «Liberté!».
À l'époque du premier procès, la majorité des Russes ne voyaient en Khodorkovski qu'un oligarque avide, enrichi sur les ruines fumantes de l'URSS.
Mais depuis vingt mois que s'éternise ce second procès, il semble avoir gagné ses galons de prisonnier politique. Selon la dernière enquête de l'institut indépendant Levada, 42% des sondés estiment que l'issue du procès se déroulera «dans les couloirs du pouvoir».
Présent à l'audience, Mikhaïl Kassianov, premier ministre pendant le premier mandat présidentiel de Poutine, en appelle au sommet de l'exécutif: «Cet homme n'a rien fait. Il faut le libérer. Malheureusement ce n'est pas Dmitri Medvedev, mais Vladimir Poutine qui décide.»
Par Madeleine Leroyer
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