25.6.10
Aujourd'hui enfin la justice russe a clôt le dossier Alexanian. Il ne faut pas y voir un geste d'humanité. A l'expiration du délai de prescription, ni le juge, ni le procureur ne peuvent empêcher la clôture du dossier. Seul le prévenu lui même en a le droit, s'il veut obtenir un non-lieu et une compensation. Ce n'est pas le choix qu'a fait Alexanian. Il ne peut pas se permettre de gaspiller du temps et des forces à se battre contre la pseudo-justice russe. Le plus important pour lui à présent est de recouvrer l'ensemble de ses droits civiques, et notamment la possibilité de quitter le territoire russe. Cela fait plus d'un an qu'il demande l'autorisation de se rendre à l'étranger pour être soigné. Les proches et les sympathisants d'Alexanian poussent aujourd'hui un soupir de soulagement. Mais un grand sentiment d'amertume demeure. Ceux qui connaissent Vassili savent bien que si sa santé le lui permettait, il se battrait jusqu'au bout pour prouver son innocence. Et donc d'une certaine façon, ceux qui l'ont maintenu en prison et torturé pendant deux ans ont obtenu au moins partie nulle. Il n'ont pas réussi à le forcer à témoigner contre ses anciens employeurs de Yukos, mais leur stratégie a fonctionné en partie. Amertume aussi parce que le témoignage courageux d'Alexanian devant la Cour Suprême russe n'a pas provoqué les réactions que l'on était en droit d'attendre. Le placement en détention provisoire est toujours synonyme de chantage et de torture, il y a eu depuis plusieurs cas de décés, dans la même prison et dans des circonstances effroyables...
Et enfin et surtout - pourquoi Alexanian a t-il passé deux ans en détention?
- Il était inculpé de délits qui n'existaient pas dans le code pénal à l'époque où il les aurait soi-disant commis. Lors de son arrestation, l'acte d'accusation faisait référence à l'article 174.1, qui n'est apparu dans le code pénal qu'en 2002, alors que les épisodes mentionnés dataient de 1998-1999. L'acte d'accusation était donc à l'époque invalide. Il a été subrepticement corrigé quelques mois plus tard.
- Les juges qui ont décidé de son placement en détention s'appuyaient en particulier sur un document informatique qui avait soi-disant été retrouvé dans l'ordinateur du département juridique de Yukos, et qui décrivait les différents moyens par lesquels les employés de Yukos pouvaient contourner la loi. Ce document faisait donc d'Alexanian un personnage dangereux, susceptible d'entraver la bonne marche de l'enquête si on le laissait en liberté. Or on a appris il y a quelques semaines que ce document avait été élaboré non pas au sein de l'entreprise Yukos, mais... par Ribyne, PDG de East-Petroleum, l'un des adversaires les plus acharnés de Khodorkovsky et partie-civile dans le procès. Cet élément de l'affaire a peu été repris par les médias, mais l'usage par le parquet général de ce genre de faux grossier est pour le moins scandaleux!
Et donc si l'on résume : Alexanian a été arrêté sur la base d'un acte d'accusation invalide, il a été maintenu deux ans en détention à cause d'un faux grossier. Durant ces deux années il a été l'objet de chantage et de mauvais traitements, son état de santé s'est dégradé jusqu'à mettre sa vie en péril... Difficile donc de vraiment se réjouir aujourd'hui, même si la persécution d'Alexanian par les autorités russes touche à sa fin.
Ils l'auront d'ailleurs tourmenté jusqu'au bout: pour rendre leur décision, les juges ont exigé qu'Alexanian soit présent en personne au tribunal, alors même que les médecins lui défendent d'apparaître en public à cause de son grave déficit immunitaire. Le jeune avocat est apparu extrêmement amaigri, le bas du visage protégé par un masque chirurgical. Il avait visiblement du mal à parler et s'interrompait souvent pour tousser...
L'ObservatriceLibellés : Aleksanian
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.

M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice

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